Laïcité et pratique religieuse – Général (c.r) Claude Carré

« LAÏCITE ET PRATIQUE RELIGIEUSE DANS LES ARMEES A L’AUBE DU XXIème SIECLE »
Général (c.r) Claude Carré
(Journées de rentrée des aumôniers de la RTNE ; Metz ; septembre 2004)

C’est avec une certaine appréhension que je réponds à l’invitation qui m’a été faite de venir m’entretenir avec vous du sujet « Laïcité et pratique religieuse dans les Armées à l’aube du XXIème siècle ». Je ne pense pas avoir beaucoup plus de compétences que bien d’autres, sinon celles que j’ai pu acquérir en « fréquentant » un peu l’Histoire, et en ayant essayé, comme beaucoup d’autres, de vivre cette laïcité, du mieux possible, en « chrétien » sur le terrain, et comme officier, « laïc et républicain », pendant une carrière aux expériences diversifiées. Il y a plusieurs années, on avait déjà sollicité  mon témoignage sur ce sujet devant de jeunes officiers dont certains avaient été de mes anciens élèves. Mais je n’ai surtout aucune « autorité » pour donner des leçons ou vous dire ce qu’il faut faire

Sans doute, ai-je été d’abord un « consommateur » d’aumôniers. Je revois, en vous regardant, le visage de tous ceux qui m’ont accompagné et aidé, ceux que j’ai aidé, ceux qui sont en droit, peut-être, de penser que j’aurai pu faire plus. Je pense à l’un de mes fils que les hasards de la vie religieuse ont conduit à « servir » dans le Diocèse aux Armées.

Le sujet est difficile, parce qu’il est d’actualité et parce que les mots sont « piégés ». Laïcité et pratique religieuse : qu’est ce à dire ?

Qu’est ce que la « pratique religieuse ? Quel est son but ? Est ce essentiel ? Quel est le rapport entre la Foi, le comportement religieux et la « pratique religieuse », maintenant et à travers les âges ? Dans quelle mesure la « pratique religieuse » est-elle la marque d’une « intériorisation » des dogmes et du message évangélique ? Qu’est ce que le « culte » ? Place du prêtre dans la pratique religieuse…comme dans la société elle même, etc. ?

Laïcité ? On prétend que Régis Debray aurait dit qu’il savait ce qu’était un Etat laïque, mais qu’il ne savait pas ce qu’était la « Laïcité ». J’ai, pour ma part, longtemps cru que c’était simplement: « Liberté, Egalité, Fraternité »…ou « Solidarité » désormais, au moins pour ceux que l’idée que les hommes, tous « frères »,  puissent avoir un Père est insupportable.

Si la laïcité est, à la fois, une loi et une « culture », de quoi parle t-on ? Car comment, en vérité et dans la pratique de notre vie en société, fixer la frontière entre le spirituel et le temporel, le culte et la culture, le public et le privé ? Qu’en est-il d’un entreprise de « droit privé » dont l’Etat est actionnaire à 100%, par exemple, etc ?

Le sujet est difficile, mais, il me semble, que vous devez le dominer. Vous êtes, comme aumôniers militaires, dans le cadre de vos responsabilités, des « serviteurs de l’Etat », certes dans le cadre d’une mission qui vous ait confiée par l’Eglise. Vous devez connaître vos devoirs et les limites de votre action. Animateur de « la pratique religieuse », mais aussi présents sur place pour dynamiser la participation des chrétiens à la vie de la société militaire qui est un des lieux d’application de leur vocation de chrétien, vous devez tout autant connaître vos droits et savoir les rappeler à ceux de vos interlocuteurs qui souvent sont amenés à invoquer cette laïcité sans en bien connaître, eux-même, ni la lettre, ni surtout l’esprit. Vous aurez à en parler avec des « collègues » civils, et plus encore des étrangers dans le cadre des « Opex ». Vous devez pouvoir expliquer ce qui est « spécifique » dans notre laïcité et ce qui ne l’est pas.

Je voudrais commencer en vous donnant trois des idées personnelles qui me semblent fondamentales :

– 1) la « sécularisation » de la société occidentale, et de ses mentalités, est devenue un défi plus important que celui de la stricte laïcité des institutions et de l’Etat. Plus qu’anticléricale ou athée, ne sommes nous pas désormais dans une « société agnostique[1] », à peine encore teintée de « christianisme culturel », au moins en France ?

– 2) La société militaire est totalement issue de la société civile. On y retrouve les mêmes tendances. Tout juste peut-on noter en ce qui concerne notre sujet une nuance d’interprétation : Comme chef d’établissement scolaire, j’ai cru comprendre que, pour certains, la « laïcité » avaient surtout pour but d’éviter la « pollution » du cerveau de nos enfants. Comme commandant de régiment, j’ai compris que tous les « gris-gris » (dixit un ministre ?) pouvaient être utiles pour « le moral des troupes » s’ils ne perturbaient pas le service. En effet, il y a pour les armées, dans le « religieux », un aspect utilitaire et psychosocial important. En tout cas, la loi fait obligation à tout responsable militaire de faciliter la pratique religieuse…« autant que faire se peut ».

– 3) Cette « laïcité », en fait moins dogmatique qu’il ne paraît, exige, en particulier de la part du chef responsable de l’unité : loyauté, caractère, intelligence et humilité…car il y a une inévitable « tension » pour assumer une « impartialité » que l’on doit au respect de tous nos collaborateurs pour le bien du service et de la Mission. En effet comment assurer « liberté du culte » tout en ne « reconnaissant » aucun d’entre eux, si l’on partage les convictions de l’un d’entre eux, et  si l’on considère, à juste titre, qu’il ne saurait y avoir des modes de penser et d’agir différents dans la vie dite « privée » et la vie professionnelle. Responsable politique et chrétien, patron et chrétien, commerçant et chrétien, enseignant et chrétien, militaire et chrétien, etc…! Ce n’est pas toujours simple, mais c’est la vie ! Cela peut expliquer vos éventuelles déceptions dans vos rapports avec certaines de vos « ouailles » dont vous pensiez, à juste titre, être en droit d’attendre plus de compréhension…

…Cette « Laïcité », que vous la conceviez comme loi, simple cadre juridique gérant les relations entre les Eglises (cultes ou religions…) et l’Etat ou, plus largement comme « culture », un « art de vivre ensemble », ayant pour fondement la liberté religieuse et la liberté de conscience, ne saurait être considérée comme un obstacle, encore moins un danger. C’est un fait ! Peut-être même contribue t-elle à accroître votre liberté d’action ?

Le « défi » serait plutôt, à mon avis, dans la « sécularisation », à ne pas confondre forcément avec « déchristianisation », de la société, qui, elle, n’est pas propre à la France…Sécularisation de la société…et peut-être aussi celle de l’Eglise ou du moins de ce que l’on appelait autrefois le Clergé…Une société d’où, trop souvent, toute idée de Dieu est et doit être proscrite par les « faiseurs d’opinions », une société où toute idée de « religieux » est entachée de risque de « guerre de religion »…une société de l’instantanéité et de l’émotion d’où la mort et l’idée d’un éventuel « Au delà » a été gommée, ou du moins une société qui fait désormais confiance dans la « Miséricorde » toute puissante d’un Dieu infiniment bon ! Ce phénomène me semble, lui, beaucoup plus profond que la laïcité de l’Etat car la « pratique religieuse », la « religion », ce n’est pas une question de rapports entre des institutions, privées ou publiques, c‘est  d’abord un fait de société. C’est un fait « social »…Ce que d’ailleurs certains hommes politiques ont parfois voulu ignorer…

Quand le Président de la Commission des lois, s’affichant lui-même comme catholique, explique à la télévision qu’il ne voit pas pourquoi il défendrait le port des signes religieux puisque le clergé lui-même les a abandonné, on peut me répondre que ces simples « signes » ne sont pas essentiels. Mais quand un amiral renâcle à embarquer un aumônier sur un bâtiment, au prétexte que personne ne va plus à la messe, il a peut-être une conception étriquée de ce que la loi appelle le « culte », mais ce n’est pas non plus forcément du « laïcisme ». C’est peut-être aussi un problème de saine gestion des postes budgétaires. S’il y a encore des catholiques à bord, il ne leur ait peut-être pas laissé le temps d’aller aux offices – et la loi n’est pas respectée – ou ils n’éprouvent pas un besoin, ou n’ont pas le…courage de trouver (ou de demander) le temps…C’est alors le fond du problème…qui est d’ailleurs sûrement le même sur certains de nos théâtres d’opérations…

Je « vois » le Père René de Naurois, aumônier des commandos Kieffer[2], en juin 1944, distribuant à ses commandos, sous les obus, sur les plages du débarquement, Eucharistie et sacrements. Y aurait-il aujourd’hui toujours une telle demande ? Ne s’agissait-il que de cette « folklorisation du religieux » dont nous parle Michel de Certeau [3]? Quelle place attribuons nous désormais aux sacrements, confessions ( le « péché » ?) et Eucharistie en particulier ? La réponse est difficile et sans doute les aumôniers ayant vécu avec les unités confrontées à la mort quotidienne (donnée et reçue ) ont-ils une vision plus sereine, voire juste, de la réponse à donner.

René Rémond voit dans la baisse de fréquentation du catéchisme par les enfants  l’élément le plus inquiétant pour l’avenir du christianisme…Le vrai défi, c’est, à mon sens, Jean Boissonnat qui l’exprime désormais le plus concrètement (courageusement ?) à travers toutes ses interventions : « En France, étant donné l’âge moyen des prêtres aujourd’hui, on peut prévoir que le nombre de ceux-ci va diminuer des deux tiers dans les dix ans qui viennent. Ce qui constituera un choc sociologique considérable… [4]». Le vrai défi serait donc à venir.

Peut-être que s’il n’y a plus de prêtres, c’est que, plus simplement, il n’y a peut-être plus assez de Foi chez les « chrétiens » ? Mais si la « laïcité à la française », qu’on le veuille ou non, a pris sa source dans le conflit séculaire entre « clercs » et « laïcs », on peut, statistiquement au moins, se poser la question de savoir si ce conflit ne va pas vers sa fin, faute de « combattants »…Même si l’on en est en droit de penser que les « clercs » ne sont peut-être plus tout à fait ceux que l’on croit…!

Certains expliqueront certes que le christianisme peut se passer de « clercs », de prêtres, mais quid du « catholicisme » romain…? Peut-il y avoir une « Eglise catholique sans prêtres » ? Vaste débat ! Pour ma part, je pense, peut-être à tort, que cela ne peut qu’accélérer cette sécularisation et la baisse de la pratique religieuse…Vouloir cacher cette réalité, n’est ce pas écouter l’orchestre du « Titanic » en train de sombrer et jouant : « Plus près de toi, mon Dieu ! »…?

Comment répondre à ce défi ?

Dans le cadre de la « laïcité » et, compte tenu du contexte d’une société où l’expression publique de la Foi est pratiquement interdite, au moins par le « politiquement correct »,  que « dire » et comment le dire [5]? Comment transmettre de façon à être compris ? Comment l’Eglise peut-elle se faire entendre, sur le plan horizontal certes, mais aussi vertical ? « Nouvelle Evangélisation » de Jean Paul II,  (éventuellement « sur les places et les marchés » !) « Proposition de la Foi » des évêques de France ou…« enfouissement » ? Apôtres ou témoins ?

Y aura t-il encore des prêtres, aumôniers militaires ? Les « aumôniers » laïcs ne pourront-ils pas alors être remplacés par de simples « aumôniers humanistes [6]», membres des équipes de soutien psychologique ou aide au commandement pour l’enseignement de la « déontologie » et dont la présence dans les armées pourra alors être dûment signalée dans les documents officiels mis à la disposition des cadres de contact[7] ,conformément à l’article 69 du règlement de service intérieur de l’Armée de Terre [8]?

Qu’en sera t-il alors de ce que l’on appelle la « pratique religieuse » qui est notre sujet aujourd’hui ?

Notre « laïcité », d’abord acte juridique, est un moment de notre Histoire. Celui des rapports entre l’Eglise de Rome, les Eglises locales (le Gallicanisme), les pouvoirs, et la société. Comment la comprendre sans en connaître un peu l’histoire et les évolutions dans toute leur complexité ?

Au risque de trop simplifier :

Pendant des siècles, le Clergé, ayant sans doute horreur du « vide », a cru, après et pendant ce que l’on a appelé le temps des « Barbares », devoir prendre aussi en main les destinées terrestres de la société, au moins occidentale, et pour cela l’encadrer, « structurer l’espace humain-social [9]», en particulier par des pratiques religieuses[10] généralement vécues dans un cadre communautaire.

Ce « Clergé » se souvient bien que Jésus a dit « Rendez à César ce qui est à César et à  Dieu ce qui est à Dieu », mais il sait aussi que le même a dit à Pilate : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en Haut ». Surtout, il a pris très à cœur ces « directives » : « Allez dans le monde entier, portez la Bonne Nouvelle à toute la création ». « Malheur à moi si je n‘évangélise pas ! » a même dit Saint Paul !

Ce Clergé l’a fait, avec patience et avec les moyens de son temps qu’il a essayé, de son mieux, sans aucun doute, de « christianiser » ! De Saint Félix au pape Boniface VIII, en passant par Saint Rémi, nos papes et évêques, les prêtres et moines, se prenant pour une ONU cherchent à s’imposer aux « chefs de guerre » que sont encore les rois, empereurs et autres féodaux. Ils n’ont pas les « casques bleus », mais ils ont « l’excommunication ». A cette époque, ça marche encore !

Avant de nous lancer à la suite de ceux qui ne voient dans l’action passée  de notre Institution que les aspects qui choquent notre bonne conscience, commençons par rendre grâce de tout ce qui a été fait de positif  et d’abord, la transmission du Message ! Donnons lui au moins le droit à un procès équitable. Car, comme le dit Emile Poulat, dans son travail fondamental[11]sur le sujet : « Nous sommes là dans un univers religieux dont nous n’avons plus idée et dont la réduction politique nous interdit toute intelligence ».

Mais à l’aube du IIème millénaire, les choses vont évoluer, en France plus particulièrement. Les rois, et ceux qui leur succèderont, vont s’entourer de « technocrates », légistes, secrétaires d‘Etat, ministres et fonctionnaires, qui construisent peu à peu, avec ténacité, la Nation France, et ce sans aucun referendum ! Ils mettent en place progressivement un Etat qui, dès le départ, se veut globalisant et centralisateur !

Dans un premier temps, ces « technocrates » s’appuient sur cette Eglise, en fonction des besoins et continuent de lui abandonner les tâches qu’ils ne sont pas (encore) en mesure d’assumer, en particulier l’encadrement « moral » de la société ! Et quelque soit le régime, les rapports mutuels avec l’Eglise sont et resteront ainsi ambigus jusqu’en 1904, date de la rupture avec Rome. Car le Clergé se sert aussi de la puissance de l’Etat pour remplir sa « mission ».

Au fil des siècles, l’Eglise reste ainsi « liée » à l’Etat, quelque soit le régime, sauf  le républicain qui choisira la lutte frontale. Elle devient donc naturellement la cible des opposants à chaque régulier renversement de régime. Mais il me semble toutefois très discutable d’affirmer que le clergé a « contrôlé » l’Etat, en particulier sur le plan politique, car ce dernier est « séparé » de l’autorité de l’Eglise et surtout de celle de Rome, tenue à distance…Autrement la France eut été présente à Lépante et à Vienne contre les Turcs ottomans et les Jésuites n’eussent point régulièrement été expulsés ! Même si saint Vincent de Paul fut aussi aumônier militaire et faisait prier pour le roi et la France, le cardinal Richelieu n’est-il pas celui qui introduisit le décloisonnement des domaines politique et religieux, la déconfessionnalisation de l’action politique ? N’oublions pas que c’est l’Etat qui nomme les évêques de 1515 (Concordat avec François Ier) jusqu’à 1905 et non l’inverse.

Cet Etat a certes besoin de la légitimité, de la « logistique », de la morale catholique, mais il acquiert progressivement  les moyens de se passer peu à peu de cette Eglise dont il s’ingénie désormais à rogner progressivement les « prérogatives » sur la société. A la fin du XIXème siècle, il croit enfin n’avoir plus besoin de l’Eglise. Il réussit à l’expulser du dernier bastion qu’elle tenait encore en partie : l’école. Notons, au passage, qu’il est même désormais parallèlement assez fort pour imposer un service militaire de deux ans dans les unités de combat à tous les Français, prêtres et instituteurs compris. Coïncidence : une loi de 1905, aussi ! Car la force publique y veille et en a maintenant les moyens. L’Etat a l’armée (et la gendarmerie) et son service militaire et ses « hussards noirs », les instituteurs !

L’Etat a désormais sa morale « républicaine » qui succède à la « catholique » et les instituteurs (nouveaux clercs ?) formés pour la répandre. Y compris, grâce, au même Jules Ferry, aux « colonies » avec l’aide…des « congrégations », pourtant interdites en métropole, ce qu’on cache trop souvent. On aboutit ainsi à une « véritable religion de la République, avec ses croyances, ses rites, ses grand-prêtres [12]».

« Dans l’idéologie républicaine française, il y a une prise de position sur les finalités, sur les valeurs, qui rejoint inévitablement le domaine religieux [13]».

Mais, durant tout ces siècles, parallèlement l’Etat a dû aussi progressivement apprendre à « gérer » ce phénomène grandissant, sur lequel il n’a pas manqué de s’appuyer, mais qu’il ne contrôle pas plus que l’Eglise : la montée d’idées nouvelles qui prônent, à l’origine, la simple liberté religieuse, mais symbole d’une revendication plus large.

C’est la Renaissance, la Réforme, le procès de Galilée en 1633 en particulier et le développement d’une « science » autonome et de la « raison ». Ces bouleversements conduisent progressivement à la mise en cause d’une unité nationale fondée sur la pratique de la religion catholique.  L’Etat combat, dans cette évolution, tous les aspects qui le gène, en particulier tout ce qui pourrait rompre cette « unité nationale », mais « tolère » a minima, quand il juge que c‘est la seule solution pour garantir cette unité politique et sauver son régime (Edit de Nantes !)[14].

Mais progressivement, avec pragmatisme, il apprend également à faire « alliance » avec ces forces nouvelles (et vice et versa…) pour s’imposer définitivement au Clergé ! Il échoue en partie durant la Révolution qui, par la Constitution civile du Clergé, aurait souhaité établir en fait une véritable Eglise d’Etat. Il franchit un pas important avec le Concordat « négocié » par Bonaparte, puis rompt les relations diplomatiques avec Rome en 1904…Nous reviendrons plus loin sur la loi de 1905 et l’évolution de son interprétation imposée par la réalité de la société.

Mais, dans la société en permanente évolution, cette conquête de la liberté religieuse ( « libération » de la tutelle des clercs ) se poursuit inexorablement en une quête d’une «  liberté politique », puis de manière plus large d’une « liberté de conscience » et d’expression que certains désormais voudraient absolue dont on pourra constater un sommet à la fin des années 1960. La pensée prend ses distances dans tous les domaines. La notion d’« autonomie » de l’individu se développe dès la fin du XVIIème siècle tandis que le principe de la « raison » déconsidère celle du « sacré. L’affirmation de cette « autonomie politique » se trouve ainsi progressivement absorbée dans une conception libérale de l’individu « qui s’exprime principalement dans la revendication du droit de chacun à la réalisation de soi, à l’accomplissement personnel et à l’épanouissement dans ce monde-ci[15] ». Alors, à la fin du processus, une « morale républicaine » qui ne serait qu’une « morale chrétienne » sans Dieu ? Mais alors pourquoi donc une « morale » ?

Si l’Eglise s’en trouve désorientée, que dire de l’Etat, lui-même ? La liberté de conscience se voudrait même « publique » et absolue. L’objection de conscience – civile ou militaire – serait établie en norme et la « désobéissance civique » un droit. Et ainsi l’Etat se trouverait désormais « devant soixante millions de conscience [16]» ! Toutes les opinions se vaudraient. Toute autorité deviendrait contestable et pas seulement celle d’une Eglise, ni même d’un « Magistère », désormais sans pouvoirs sinon d’influence. Nous serions désormais dans une « société de défiance généralisée [17]», soumise à la seule autorité du « média dominant » : la télévision. Après le « une seule foi, une loi, un roi », n’est-ce pas le « une République, une école, un credo laïque » qui est remis progressivement en question ?

Mais la liberté de conscience jusqu’où ? Quelles références ? Quelles limites ? Quel type de foulards ou « bandanas », quelle taille des croix dans les écoles (et les médailles de la Vierge, voilée de surcroît !) ? Ne parlons pas de la kippa et des problèmes – même occultés – de la « communauté » juive ! Car toute idée de « communauté » est devenue dangereuse, sauf celle des « homosexuels » au nom de la liberté de conscience justement.

L’Etat doit alors « conjuguer aussi harmonieusement que possible deux exigences opposées : la liberté reconnue à chacun de suivre sa conscience en tout et en dernière instance et la nécessité d’assurer la paix civile et l’unité nationale dans une société qui ne résisterait pas à l’anarchie des convictions religieuses ou non [18]». Mais alors, aujourd’hui, notre « laïcité à la française » aurait-elle pour fonction essentielle de « gérer et aménager une société divisée, irrémédiablement, sur les convictions [19]» ? Car l’unité nationale serait désormais menacée non seulement par la tutelle d’une religion, que certains affectent de craindre voir renaître de ses cendres ( la catholique !), mais aussi par le « communautarisme » politico-ethnique et religieux d’un Islam « agressif ». On est loin du seul « combat frontal » des origines avec le Clergé !

Au contraire, l’Etat aurait-il de nouveau besoin de « l’aide » des religions, ou plus exactement d’un « clergé », éventuellement laïc, mais « osant » proposer des références ? « Le gouvernement tient à ce que les autorités spirituelles et morales que sont les responsables religieux de ce pays fassent entendre leur voix sur les problèmes de notre temps et contribue au rayonnement de notre pays en maintenant vivantes les valeurs qui ont fait la France [20]». La future Constitution européenne, qui fait quand même référence, dans son préambule, au passé « religieux » de l’Europe , recommande implicitement, dans son article 52, le dialogue avec les Eglises !

Vaste et actuel débat !

Quant à la loi de 1905, proprement dite, il n’est pas le lieu d’en refaire l’histoire. Rappelons d’abord qu’elle est beaucoup citée, mais peu lue, sinon les deux articles fondamentaux de son préambule[21]. On pense, à ce sujet, au « cabri » du général de Gaulle parlant de l’Europe ! En effet, elle n’est pas aussi « concise » qu’à bien voulu le dire le Président Chirac dans le préambule du récent rapport Stasi !

Une loi était devenue nécessaire et inéluctable après la rupture des relations diplomatiques avec le Saint Siège en 1904, qui, pour moi, est l’un des actes majeurs. En effet, depuis François Ier, en France, c’était pratiquement la première fois que les Eglise gallicane et romaine n’étaient plus liées par un Concordat avec l’Etat français! Avec cette loi, l’Etat ne s’occupe plus des questions de religion (culte) et les religions ne s’occupent pas des affaires de l’Etat ! L’Eglise va y retrouver sa liberté !

Rappelons, quoiqu’on en dise, qu’elle n‘est qu’une étape inéluctable dans la longue histoire ambiguë et compliquée des relations entre les institutions politiques françaises et les institutions française et romaine de l’Eglise catholique. Elle n’est que le prolongement des mesures prises dans les premières années de la Révolution, de l’Empire et surtout des premières années de la IIIème République depuis 1879 (état-civil, divorce, cimetières, école, etc…). Pour les armées, les règles sont fixées dès 1874 et surtout 1880. En effet la loi de 1905 ne traite pas de l’aumônerie militaire. J’ai noté que le récent rapport Stasi n’y fait guère allusion non plus.

Cette loi a été « aménagée » plusieurs fois[22] depuis, au point que certains peuvent prétendre qu’elle n’aurait jamais vraiment été appliquée. La République n’est « laïque, une et indivisible » que depuis la Constitution de 1946 ! Il paraît même que le gouvernement de Guy Mollet était sur le point de signer un Concordat en bonne et due forme en 1958. C’est le général de Gaulle qui aurait arrêté la procédure qui a abouti par la suite aux accords de la loi Debré (1959) sur l’école ! Les relations entre l’Eglise catholique ( le Saint Siège) et l’Etat sont en réalité réglées par des « accords en forme simplifiée » qui datent de 1923 et 1924. Avec la création des « Associations diocésaines », l’esprit de la loi de 1905 – tel qu’il est désormais interprété le plus généralement – n’est peut-être pas modifié, mais la responsabilité de la hiérarchie et des évêques dans leur diocèse, désormais nommés par Rome, est affirmée sans ambiguïté. Les choses vont « sans dire », mais vont mieux en le disant !

La loi n’est pas appliquée sur tout le territoire métropolitain où subsiste le Concordat dans l’ancienne Alsace Lorraine. Sept statuts différents régissent les rapports entre l’Etat et les cultes et ceux d’entre vous qui suivent nos forces dans le « vaste monde » savent qu’elle ne s’applique pas intégralement dans nos territoires et départements d’outre-mer.

Comme toute loi, il ne faut pas confondre les « désirs », souvent extrêmes, des instigateurs de la loi, les « craintes » des opposants les plus extrêmes ou vigilants ( ?), avec le pragmatisme de ceux, responsables, qui ont conscience des évolutions nécessaires, mais aussi des impossibilités sociologiques (ou électorales…) de sa mise en œuvre et qui finissent, après « négociations », par mettre au point une loi qu’ils espèrent « digérable » par la société.…Briand et Jaurès l’emporteront sur les Combes, Viviani et Clemenceau !…Quitte à attendre une nouvelle étape quand on pensera que cela « passera », suite à l’évolution « irréversible » de la société ! On l’a perçu avec la notion de « détresse » de la loi sur l’avortement, on le perçoit avec le PACS dont l’histoire n’est sans doute pas encore totalement écrite ! !

Comme toute loi, il y a l’esprit et la lettre. C’est à dire l’interprétation de la loi. C’est dans l’histoire de son interprétation que réside celle de cette loi de 1905 qui est une loi sur « les cultes » et non une loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, consommée, nous l’avons dit, dès la rupture des relations avec Rome.

Les inventaires ? Ils étaient rendus nécessaires par la dévolution des biens aux associations « cultuelles », que certains voulaient seulement successeurs des anciennes « fabriques » et dans le prolongement de la nouvelle loi sur les associations. Rien n’obligeait pourtant à ce que ces inventaires interrompent des offices religieux et surtout que même les tabernacles soient fouillés sans précaution. C’est l’interprétation sectaire  de certains fonctionnaires chargés de son application qui a souvent contribué à « mettre le feu au poudres ».

Les « cultuelles » ? On discutera longtemps pour savoir si par le moyen de ces nouvelles associations, les législateurs – du moins une partie d’entre eux – envisageaient d’introduire un « cheval de Troie » en vue de réussir ce que la Constitution civile du Clergé en 1791 n’avaient pas réussi à obtenir, à savoir la séparation hiérarchique définitive d’avec Rome, jugée indispensable pour en finir avec le catholicisme en France. Mais, compte tenu du souvenir désagréable qu’avait certainement conservé le Saint Siège de la manière dont Napoléon avait modifié par la suite l’esprit du Concordat de 1801 par des « Articles organiques », et dans le contexte anticlérical et antireligieux de ce début du XXème siècle que l’interdiction récente des congrégations religieuses (1901) – aspect peu avoué de la loi sur les associations – a encore aggravé, le pape a refusé que le Clergé et les catholiques acceptent de participer à ces « cultuelles ». Simple principe de précaution ? Sans doute ! La surprise est venue de ce que ces derniers, supposés pourtant « gallicans » ou indifférents, aient suivi les consignes papales. Qu’allait alors devenir une loi qu’une grande partie de la société refusait d’appliquer ? Que faire des églises ? Comment empêcher que les offices continuent de s’y dérouler ?

C’est alors que Briand, homme libéral, mais aussi élu d’un département très catholique, impose une interprétation qui fait de cette loi un véritable « compromis » et que n’a pas, c’est vrai, manqué depuis de confirmer le Conseil d’Etat. Devant les difficultés d’application, Briand déclare en effet : « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur ». Clemenceau, lui-même se ralliera à cette interprétation en 1909. A noter que c‘est alors, et jusqu’à peu de temps,  seul la notion d’« ordre public » qui fait référence et non celle, abstraite et récente, de laïcité « républicaine ».

Ce problème de l’interprétation continue de se poser. Nous l’avons noté avec celui du « foulard ». En effet, qui est plus « laïc et républicain » du chef de corps qui reçoit des rabbins en leur donnant tous les moyens leur permettant de participer à un repas dans le « respect de leurs convictions » ou de celui qui refuse tout accommodement au nom de la « laïcité républicaine » ? Qui est plus « laïc et républicain » de l’hôpital qui recueille auprès du malade les informations d’ordre confessionnel permettant à ce dernier de séjourner (voir mourir) dans le « respect des convictions » ou de celui qui refuse tout accommodement même compatible avec la bonne marche du service, sans parler de celui, militaire, qui interdisait dernièrement l’entrée d’un aumônier militaire, et à lui seul, dans la chambre d’un jeune soldat récemment blessé en service ?

Globalement, et jusqu’à maintenant, les évolutions ont continué à imposer cette interprétation libérale, ce qui a permis une « paix religieuse » où chacun a pu faire des concessions sans se renier. Et si ce n’est pas la loi de 1905 qui nous gouverne, c’est « le régime fort complexe, qui en est issu : un régime juridique qui n’est pas affaire de pur droit, comme s’il subsistait dans le vide social [23]».

Mais aujourd’hui, outre les évolutions de la société que nous avons déjà souligné, l’entrée de l’Europe et la rencontre avec d’autres conceptions des relations institutionnelles entre le religieux et le politique, l’arrivée massive d‘immigrants de confession musulmane, les conflits au sujet du Proche-Orient entre les « communautés » juives et musulmanes, particulièrement présentes en France, pourraient remettre en cause cette situation. L’opposition déclarée de Michel Charasse, défenseur d’une conception « intégriste » de la laïcité à la française, trouve, de son aveu même, sa source dans la crainte de ces évolutions. On peut pourtant légitimement se poser la question de savoir en quoi les religions déjà « reconnues », en particulier celle toujours déclarée « majoritaire » par 70% des Français, devraient se voir « pénaliser » par l’adaptation à cette nouvelle donne ? Après tout…« la République est laïque, la France est chrétienne » aurait dit le général de Gaulle qui s’y connaissait un peu…A moins qu’il n’y aient que quelques prétextes ou arrière-pensées ?

J’ajouterai toutefois que je pense sincèrement qu’il faudra bien, qu’en toute « tolérance républicaine », notre société finisse par trouver aussi un « accommodement » qui, dans le respect de l’ordre public et des lois de la République dont celle de 1905, permettra aux Français de confession musulmane d’avoir les moyens de « pratiquer » leur religion dans des conditions décentes. Je crois également que la Fédération protestante souhaiterait un « aménagement » de certains aspects de la loi, elle qui avait joué le « jeu » de la loi de 1905 !.

Vaste débat ! Franco-français ?

Car cette « laïcité » est-elle spécifique à la France ? En quoi le serait-elle ? Connaître la réalité qui nous entoure est aussi l’un des moyens les plus concrets de mieux cerner notre propre réalité.

Au risque de paraître un peu provocateur, je commencerais par dire que le Français aime paraître « spécifique » et singulier. D’un roi « fils aîné de l’Eglise» qui veut se différencier de l’Empereur « très chrétien », la France s’est décrétée « Fille aînée de l’Eglise », puis, dans la foulée, « Patrie des droits de l’Homme ». La France serait investie d’une « Mission universelle », celle de répandre les « Valeurs républicaines » et une « exception » culturelle, avec une « laïcité qu’on nous envie »….etc. Notre histoire justifierait, aimons nous proclamer, notre spécificité, mais combien d’autres pays environnants ont connu guerres de religions ou guerres civiles, ce qui est souvent la même chose ? « L’intolérance » n’a pas été l’apanage de la seule Eglise catholique…« Soyons moins arrogants ! » recommandait dernièrement le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, à l’ensemble de nos diplomates.

C’est vrai, nous avons vu que la France ne s’est pas constituée comme la majorité des autres pays. Dès l’origine, le rôle de l’Etat fédérateur et sourcilleux de « l’unité nationale » y a été fondamental. « La Révolution, arrivée à son apogée, conduit surtout à une inquiétante sacralisation du pouvoir par intégration totale de la société civile dans la sphère du politique [24]». Notre unité nationale n’admet en effet aucun particularisme. Nous craignons, plus que tout autre, le « communautarisme, cette dangereuse mixture de la citoyenneté et de la religion dans l’espace commun [25]». Mais nous craignons aussi les langues régionales et la décentralisation… ! Alors serions nous, en tant que Nation, si « fragile » ? Ce serait un curieux paradoxe ! Cette caractéristique, d’ordre défensif, nous différencie de nos voisins constitués plus récemment et à la structure plus « fédérale ». Nous le verrons avec l’Allemagne, la Belgique, et même la Grande Bretagne, et d’autres.

Nous avons un culte de la Loi, « expression de la souveraineté du peuple » qui surprend nos voisins. « Il n’y a point, en France d’autorité supérieure à la Loi » déclare la Constitution de 1791. La liberté religieuse n’est finalement un droit que dans la mesure où elle est conforme à « l’ordre public » défini par la loi, déclare l’article X de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, votée par le Clergé, quoiqu’on en dise. C’était le prétexte utilisé par le maire de Nantes, au début des années 1920, pour interdire les processions ! Mais, à l’inverse, l’article 1 de la Constitution américaine déclare : Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre accès d’une religion… ». C’est que les Pères fondateurs avaient appris qu’un Parlement, en l’occurrence celui de Grande Bretagne, pouvait être « tyrannique ». De plus, nous avons tendance à tout codifier et légiférer, y compris dans les détails, ce dont se plaignait dernièrement le président de l’Assemblée lui-même qui venait pourtant de proposer… le vote d’une loi interdisant les signes religieux dans les écoles catholiques…

Ce qui, de mon expérience, intrigue nos amis étrangers, c’est aussi cette « intransigeance » légaliste en même temps que notre capacité à nous adapter, avec pragmatisme, à ces lois et ce dans tous les domaines. « Plus que les liens rompus, c’est la complexité des liens maintenus et entretenus qui la caractérise le mieux [26]». Je me souviens du cardinal archevêque de Vienne déclarant récemment sur une chaîne de télévision : « Votre laïcité, parlons-en : vous êtes le seul pays européen où 80% des lieux de culte sont entretenus par l’ensemble des contribuables ». Il avait l’air de dire : je comprends pourquoi vous y tenez à votre séparation. Il aurait pu ajouter : et où un propriétaire met gratuitement à la disposition de son locataire les bâtiments, ce qui est en plus une forme de subvention ! Notons que lorsque le gouvernement français – de droite ou de gauche – rencontre aujourd’hui officiellement les responsables de l’Eglise « en France », l’interlocuteur qui fait face au Premier ministre est le Nonce apostolique. Simple convenance diplomatique?

Autre « spécificité » française ? En novembre 2003, je me trouvais à Jérusalem. Je déjeunais avec un jésuite belge et un dominicain suisse, tous deux biblistes de renom. Nous étions alors, en France, en plein débat sur le « foulard ». Cela avait l’air de les amuser et, en chœur, ils me déclarèrent : « En France, vous avez les francs-maçons ! ». C’est vrai qu’en 1877 la franc-maçonnerie de France s’est, je crois, séparée des « frères » anglo-saxons et a choisi, non seulement un anticléricalisme de bon aloi, mais également la voie de l’anti-religion agressive. Cette forte influence en France de la « franc-maçonnerie », athée et militante, serait donc une spécificité française dans la mesure où, contrairement à l’ensemble de nos voisins, notre laïcité a pris en compte, dès les origines, à la fois « ceux qui croient et ceux qui ne croient pas ». L’athéisme militant et la « Libre pensée » seraient devenues une « religion » comme les autres. Les « francs-maçons » ont donc eu, très probablement, et ont encore, une influence importante, mais d’autant plus difficile à évaluer qu’ils ne travaillent pas « à visage découvert ». En effet, il ne serait pas surprenant qu’un jour nous apprenions qu’ils aient activement participé à la campagne lancée pour obtenir dernièrement l’interdiction de tout signe religieux dans toutes les écoles.

Qu’en est-il aujourd’hui, en particulier dans les armées ? Ils existent sûrement. Mais je dois reconnaître n’avoir jamais rencontré un camarade ayant avoué appartenir à cette « communauté ». Simple cécité ou naïveté ? Peut-être. J’ai entendu certains camarades se plaindre parfois de ce que si tel ou tel avait atteint telle ou telle responsabilité, « c’est qu’il en était » ! Peut-être celui qui avait obtenu le poste convoité ? Le général Chavanat a écrit dernièrement un article dans « Le Casoar » où, fort justement, il porte le débat sur le caractère secret de l’appartenance à la franc-maçonnerie pour en dénoncer l’aspect inadmissible dans notre société démocratique. Mais il faut quand même admettre que tous ceux qui, sur votre chemin, ont pu un jour chercher à gêner votre action n’avaient pas besoin d’être inscrits dans une « loge maçonnique » pour le faire, toujours au nom de la laïcité…

Maintenant, si chacun de nos voisins connaît une situation propre qu’il faudrait étudier au cas par cas, il faut pourtant nuancer les différences entre notre situation et celles de nos voisins, y compris les Etats-Unis.

En effet, si, en dehors du Portugal, de l’Irlande et de la Turquie[27], aucun d’entre eux n’a adopté une loi de séparation, tous reconnaissent la neutralité confessionnelle de l’Etat, la liberté religieuse, l’autonomie de la conscience individuelle. L’ensemble de la société occidentale connaît une évolution vers cette « sécularisation » décrite précédemment, même l’Espagne et l’Italie pourtant toujours liées par Concordat avec le Vatican. Si la situation évolue dans le premier pays, il faut noter, dans le second, le sursaut « national », y compris du parti communiste, pour protester contre les prétentions d’un musulman, quelque peu provocateur, qui exigeait la suppression des croix dans les écoles : la croix, ce signe symbole culturel du pays…pour les croyants ou non !

Toutefois un pays peut être très sécularisé au point de vue culturel, avoir, au niveau des mentalités,  une population très affranchie de tout « pouvoir » religieux, sans pour autant être « laïc », c’est à dire avoir introduit une séparation institutionnelle des Eglises et de l’Etat, ni développé une idéologie concurrente ou de substitution. C’est le cas assez typique du Danemark, à la société très émancipée, mais où la Reine reste le chef de l’Eglise. A l’inverse la Turquie (sujet brûlant !) a introduit ces lois de séparation, copiées sur la « laïcité à la française », sans que la société se soit réellement émancipée d’un pouvoir religieux qui continue à exercer une grande influence dans la vie sociale. Enfin il est facile de constater qu’il n’est pas nécessaire de « brandir » des lois et principes pour montrer une opposition à tout ce qui est « religieux ». Au niveau du Bruxelles européen et du Parlement de Strasbourg, vouloir afficher ses convictions chrétiennes et catholiques nécessite force et courage !

La « sécularisation », sans loi de séparation, se rencontrerait surtout dans les pays où le protestantisme se serait le plus développé. « L’anticléricalisme n’est pas propre à la France, il touche les nations catholiques, là où la religion a longtemps était contraignante avec une institution structurée, hiérarchisée, cléricale s’étendant au monde entier. Dans les pays protestants, le caractère clérical des Eglises a été moins important [28]». Certains observateurs notent même que ce serait par « anticléricalisme », que dans les pays protestants, on a pu préférer le maintien de l’Eglise avec l’Etat. Ce serait le lien entre l’Eglise luthérienne, par exemple, et l’Etat qui aurait permis de « protéger » les fidèles du pouvoir du clergé et de sauvegarder le pluralisme interne. La « décléricalisation » effectuée par le protestantisme aurait ainsi permis d’éviter cette lutte anticléricale radicalisée, ainsi que l’édification d‘un contre-système idéologique propre à la situation française. Notons que, en Grande Bretagne, la reine est chef de l’Eglise d’Angleterre et de l’Eglise d’Ecosse, mais pas de celle du Pays de Galles !

Dans les pays où la structure de l’Etat est « fédérale », la situation est encore différente, car il a fallu faire « vivre ensemble » des communautés à majorité catholiques, luthériennes ou réformées. Cela a conduit au « pluralisme confessionnel » de l’Etat belge. Dans les armées belges, il y a des « aumôniers humanistes », pour les sans-religions, dûment représentés aux cotés des autres aumôniers. La République Fédérale d’Allemagne, quant à elle, ne s’autorise pas à proposer une conception alternative à celle des religions. Elle affirme sa neutralité dans les débats inter-religieux. Elle délègue aux Eglises – catholique et protestante – l’éducation aux valeurs. Il a été possible récemment d’en voir les applications dans le débat autour des centres d’autorisation d‘interruption de grossesse. « C’est, en ce sens, que nous tenons que la République Fédérale représente une version plus laïcisée de l’Etat que la République Française…[29]». A noter que c’est approximativement ce que Bush a proposé récemment aux Etats-Unis !

La religion et les Etats-Unis : sujet d’actualité ! Compte tenu de la place culturelle que tient ce pays dans l’évolution des mentalités occidentales, il est difficile d’en parler sereinement. Je pense que nous sommes dans deux univers difficilement compréhensibles l’un à l’autre. La façon dont le film « La Passion » a divisé le monde catholique français, et l’épiscopat lui-même, en serait une preuve. Ah, si Mel Gibson avait été Luxembourgeois, peut-être que son film eut pu être jugé plus sereinement ! Mais pouvait-il être produit ailleurs qu’en Amérique ?

En effet, si la France et les USA sont sans doute les deux pays au monde les plus attachés à la liberté religieuse et à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, cette réalité y est vécue de façon diamétralement opposée. L’Amérique, en effet, a été fondée sur le principe de la liberté religieuse, car les premiers émigrants fuyaient les persécutions religieuses et l’intolérance du Parlement britannique. Aussi, aux USA, l’exercice de la liberté religieuse se traduit par un effort pour limiter l’ingérence de l’Etat, et de la loi, dans la vie religieuse de chacun et non, comme en France, par l’action de l’Etat pour protéger les citoyens contre tout ce qui pourrait être nuisible dans le domaine religieux. Une condamnation des « sectes » y est considérée comme une immixtion dans la vie privée des citoyens, sans parler d’une éventuelle interdiction d’un « foulard » !

Mais les USA, c’est aussi le pays de tous les paradoxes. Si la société y est très émancipée et finalement très « sécularisée », elle est également très « religieuse » ou emprunte, comme on dit, d’une « forte religiosité », où la « non-religion » n’a pas (encore ?) toute sa place. Il se créerait ainsi une nouvelle Eglise chaque semaine, éventuellement sur des bases purement « ethniques » ! Le « Dieu » qu’invoque tout homme politique, en campagne ou non, et quoiqu’on puisse leur faire dire, n’est le Dieu d’aucune Eglise, même s’il reste toujours très « judéo-chrétien ». Ce Dieu est le nom donné à une « transcendance » qui est au dessus des lois, et qui, contrairement à la France, reste un des fondements et l’un des garants de l’unité nationale. Libre à nous de penser que ce Dieu, derrière lequel chacun peut mettre ce qu’il veut, est très « américanisé » !

« Laïcité et pratique religieuse dans les armées au début du XXIème siècle » ?

Que dire de concret sans vous donner l’impression de vouloir vous apprendre votre « métier » ? Il s’agit seulement d’un témoignage et d’un simple point de vue de laïc. Et puisqu’on me l’a demandé… ! Vous remarquerez que je ferai le plus souvent appel à des témoignages que je crois plus autorisés que le mien, en espérant ne pas mal les interpréter ou utiliser.

La société militaire étant recrutée dans la société civile et supposée vivre en symbiose avec elle, vous ne serez pas étonné d’y retrouver l’essentiel des caractéristiques que je viens d’essayer d’esquisser. C’est d’ailleurs pourquoi il m’a semblé nécessaire d’y insister. Pour l’essentiel seulement, car je vous l’ai dit, dans les armées, la religion est amenée aussi parfois à jouer un rôle « utilitaire et psychosocial » expliquant au minimum une neutralité bienveillante inconnue, à l’école par exemple. Le ministre de la Guerre en 1872 n’allait-il pas jusqu’à déclarer : « Si vous ôtez aux hommes de guerre la croyance en une autre vie, vous n’avez plus le droit de leur demander le sacrifice de leur vie ». Un ministre plus contemporain aurait déclaré : « S’ils ont besoin de leur gris-gris pour aller se faire casser la gueule, je leur laisse leurs gris-gris ! »

Il y a plusieurs années, je déclarais à l’ouverture d’un colloque sur l’histoire de l’aumônerie militaire : Comment faire passer des messages aussi exigeants que ceux de l’Evangile et de l’Eglise, dans un milieu aussi  spécifique ? Que sera l’aumônier dans l’armée qui se met en place ? Une armée qui se professionnalise et se « civilianise », où les femmes sont de plus en plus nombreuses, une armée mieux équipée de psychiatres, de psychologues, de médiateurs, d’assistantes sociales et autre officiers conseils et juristes. Une armée, appelée très souvent à « maintenir la paix » entre belligérants se servant souvent de la religion comme alibi et qui a donc appris à se méfier de tous les « intégrismes » ou tout ce qui, au risque des amalgames, pourrait y ressembler. Une armée, comme la société civile, «  libérée de l’emprise de Au delà[30]» et ce d’autant plus qu’elle ne fait plus vraiment la guerre et n’en connaît donc pas réellement en son sein les conséquences. Une armée  plus sceptique à tout ce qui touche le « sacré », moins soucieuse, à première vue, des rites et des « exercices du culte » qui justifiaient quoiqu’on en dise, devant l’interdiction de tout prosélytisme, la présence de « ministres du culte ». Avec en plus le « poids » de la hiérarchie, du simple service, confondu parfois avec la Mission, avec le poids du « quand dira t-on » des camarades et des chefs, l‘éloignement de la famille, etc.

Il n’y a sûrement pas une seule réponse aux questions que vous vous posez. Vos âges et expériences du milieu militaire sont très variés. Le nombre d’entre vous qui exerce parallèlement dans des paroisses civiles est réconfortant dans la mesure où il est une preuve de ce que notre Eglise « civile » ne se désintéresse pas trop du milieu militaire. Il y a parmi vous des « aumôniers » laïcs, dont la place, qui reste, à l’heure actuelle quelquefois ambiguë, quoiqu’on en dise, y compris pour vos prêtres « modérateurs », ne doit pas toujours être facile, ni comprise par tous, surtout si la différence n’a pas toujours été bien expliquée aux militaires qui vous entourent, ce qui fût mon cas quand le diocèse a affecté dans le régiment que je commandais l’un des premiers aumôniers laïcs.

Certains d’entre vous accompagneront des militaires dans des situations de crise, d’autres dans une vie plus « quotidienne ». Probablement serez vous amené vous-même à passer de l’une à l‘autre ? Les problèmes liés à la pratique religieuse ne sont pas les mêmes dans un état-major, un hôpital, un lycée militaire [31] avec des jeunes « sixième », sur une base aérienne vidée de son personnel le dimanche, dans un groupement de gendarmerie mobile ou départemental, ou tel régiment en garnison ou en « Opex », comme on dit maintenant. Sans parler des problèmes liées au soutien religieux des familles parfois isolées dans les camps, écoles, casernes de gendarmerie, ou éventuellement dans quelque ville de garnison où le stationnement n’est que temporaire.[32]

Tout d’abord, il faut rappeler que la « laïcité à la française » fait un devoir à chaque responsable militaire d’assurer à chaque citoyen placé sous sa responsabilité la possibilité de vivre selon sa foi dans le cadre de sa vie professionnelle. Vous devez être pénétré de ce fait et savoir le rappeler et éventuellement le faire respecter, si nécessaire. A ceux qui ne comprenaient pas sa présence volontaire au milieu des combattants de Dien Bien Phu, le Père Trinquant [33]répondait : « Même les mercenaires ont une âme ! ».

Cette obligation « républicaine » est un fait, même s’il subsiste, comme ailleurs,  des problèmes d’interprétation le plus souvent résolus au fur et à mesure du temps : notion d’éloignement, interprétation du mot « culte », limite entre culte et « prosélytisme », etc. Par exemple comment interpréter « égalité » entre les différents cultes, en particulier dans le domaine de la répartition des moyens, quand les besoins, liés aux effectifs « pratiquants », sont trop différents ? Mais  pendant longtemps, la présence de militaires musulmans, en particulier dans l’Armée d’Afrique, avait conduit à des « arrangements »…Il n’a pas été nécessaire de créer des commissions pour que les militaires de confession juive obtiennent une adaptation « réglementaire » des menus et des facilités d’absence pour les fêtes juives. La République met un budget à la disposition des armées dans ce but. Dès l’origine le ministre de la Guerre répond à ceux qui voudraient une interprétation intégriste ou restrictive de la loi : « Les frais sont une conséquence, non pas de l’organisation officielle des cultes, mais de l’obligation qui incombe à l’Etat d’assurer la libre pratique de leur religion aux personnes soumises à son autorité ». Un texte de juin 1964 portant règlement d’administration publique, en élargissant la notion de critère d’isolement, renforce, s’il en était besoin, la base juridique de votre présence dont les modalités ont été reconnues comme « saines » par le Contrôle Général des Armées dans un rapport récent.

Il se peut cependant que l’un ou l’autre d’entre vous se soit un jour heurté à un réel « anticléricalisme » ou à l’indifférence de certains responsables. Il peut arriver aussi parfois que vous rencontriez une certaine « retenue » de militaires dont vous connaissez pourtant les convictions. Les raisons peuvent en être multiples et variées, surtout en métropole où la vie avec la paroisse « civile » peut leur sembler prioritaire. Car souvent « s’il y a un problème, ce n’est pas d’abord un problème de théorie juridique ou de théologie sous un angle ou sous un autre, mais essentiellement un problème pratique…[34]». En effet, vous êtes conscients que tout n’est pas possible et les exigences du service et de la vie de l’unité peuvent rendre difficile l’application de la lettre de la loi. «… Autant que faire se peut …» précise d’ailleurs les directives ministérielles d’avril et juin 1994 relatives aux cultes juif et musulman.

Hélas, je connais aussi des aumôniers qui  sont amenés à regretter  que certains militaires puissent donner comme argument : « Padre, je préfère que l’on ne nous voit pas trop souvent ensemble, ce n’est pas bien vu ! ». Cette réaction peut paraître surprenante car je dois avouer que, dans ma carrière, je ne connais pas un cas sérieux d’officier ou sous-officier pouvant accuser sérieusement d’avoir été pénalisé uniquement pour ses convictions religieuses. Dans notre République, de nombreux responsables militaires qui n’ont pas craint d’affirmer leurs convictions sont arrivés aux plus hautes responsabilités. Pour vous aider à répondre à ce type d’attitude de « prudence », permettez moi de faire appel au témoignage du général d’armée de La Presle devant les jeunes officiers :

« La seule idée force que j’aimerai faire passer ce matin est la suivante : Je crois non seulement possible, mais même éminemment souhaitable, dans le cadre d’une vie militaire consacrée au service des armes de la Nation, d’allier de profondes convictions personnelles de caractère spirituel et religieux, à un comportement marqué d’une permanente et sincère tolérance pour les convictions de même nature de mes collaborateurs, chefs, pairs, et subordonnés, et d’ailleurs aussi de mes adversaires. Il importe alors d’exercer l’autorité qui nous a été conférée dans toutes ses exigences et dans toutes ses limites au service de la mission reçue, dans toute sa lettre et tout son esprit qui ne sauraient être contraires à mes convictions d’hommes de Foi …La laïcité telle que je la conçois implique une grande impartialité…Je ne voudrais cependant pas que vous traduisiez mon souci d’impartialité par une peur de manifester ses propres convictions quand les circonstances s’y prêtent… [35]» .

Autre point : Le « culte » doit-il se limiter à l’exercice de ces « pratiques » et sacrements. Dans quelle mesure la loi peut-elle s’appliquer aux aumôneries et leur diverses activités ? Nous avons lu précédemment la réponse du ministre. N’oublions pas que, sous le Second Empire, si tout le régiment va à la messe en ordre serré, le prêtre n’est pas autorisé à prononcer d’homélie, car il y aurait alors menace de propagande et de prosélytisme. Alors quelle marge entre prosélytisme, propagande, évangélisation, apostolat, information, publicité, communication, etc ? On peut toujours jouer sur les mots ! Là aussi, vaste débat ! J’ai noté d’ailleurs que la récente Commission Stasi dénonce le « prosélytisme agressif », ce qui est déjà une nuance appréciable et prudente.

Il est évident que la présence des aumôniers ne saurait se justifier uniquement dans le cadre d’une conception restrictive de la fonction de « ministre du culte[36] ». « Le mot culte englobe toute expression de la Foi »[37]. C’est vrai que, plus que dans les autres religions, la foi catholique s’exprime, entre autres, par des pratiques sacramentelles, le plus souvent communautaires, dont l’Eucharistie, mais aussi baptême, mariage, enterrement, nécessitant souvent la présence d‘un homme « consacré », le prêtre et qui sont d’ordinaire l’occasion d’une véritable catéchèse.[38] Vous le savez mieux que moi, les autres religions n’ont pas tout à fait cette conception du cultuel « stricto sensu ». Un rabbin ne peut organiser un culte qu’en présence de dix juifs de sexe masculin. L’arrivée prochaine des imams ne correspond pas vraiment à la nécessité d’un culte. Monseigneur Le Gal le notait justement récemment : « L’arrivée prochaine d’un culte musulman reconnu, mais qui ne comporte pas vraiment de « culte », au sens catholique du terme, avec présence d‘un clergé, peut conduire à  substituer d’autres services comme le conseil auprès du commandement ou l’accompagnement éthique, ou religieux, tâches que les aumôneries chrétiennes accomplissent de facto. Voilà qu’elles seront bientôt officialisées de  jure. Avancée significative ! »[39]…

En allant plus loin, les aumôniers doivent pouvoir aller jusqu’à remplir un rôle éminent dans la formation éthique et « déontologique » appelée de tous leurs vœux par de nombreux responsables. « La communauté humaine que sont les armées sait bien que lorsqu’on est au cœur de la question de la vie et de la mort, les choses ne sont pas si simples : une belle messe ne résout pas tout ! Ce qu’on réunit sous le vocable de soutien spirituel, c’est à dire tout ce qui concerne l’être de l’homme et son devenir, revêt une importance toute particulière » [40]. Jean Paul II lors d’un rassemblement d’aumôniers miliaires confirmait cet engagement des aumôniers dans la formation des combattants[41]. Les plus anciens d’entre vous savent que cela n’est pas nouveau et que, sans formation spéciale et laissés peut-être souvent seuls face à eux-même et à un environnement difficile, il leur a fallu autrefois faire face. Ce qui est proposé désormais, me semble t-il, c’est une formation des aumôniers eux-même : « Quant à vous, aumôniers militaires catholiques, en plus d’accomplir votre ministère religieux spécifique, vous ne devez jamais négliger d’offrir votre contribution en vue d’une adéquation adéquate du personnel militaire aux valeurs qui animent le droit humanitaire et font de celui-ci non seulement un code juridique, mais surtout un  code d’éthique… »

« Il m’a été donné de vivre dans des circonstances où des hommes engagés pour un combat avaient besoin d’un prêtre. Alors j’ai épousé leur cause et bientôt leur état et leur uniforme J’ai porté le béret vert avec fierté, adopté leur langage rude et précis, sans jamais oublié que je n’étais pas tout à fait un homme d’armes mais d’abord un homme de Dieu…[42]».

Un homme de Dieu, symbole d’engagement et de fidélité, qui soit très présent ! L’institution aumônerie catholique doit être visible comme « institution militaire »[43] faisant « bloc », en particulier derrière son évêque. Toute critique qui dépasserait trop le cadre de la « popote du presbytère » porte atteint à la crédibilité de l’ensemble. Si elle veut être entendue, l’Eglise dans les armées doit être clairement visible et présente, chaque fois que cela est possible et même s’il ne lui est pas toujours facile de trouver sa juste place. Elle ne doit pas hésiter à « communiquer ». Je me suis trouvé deux fois, comme chef de corps, face à des problèmes humains d’aumôniers, sans aucune possibilité de liaison et d’information avec le diocèse !

Votre présence, je le crois, est d’abord « signe ». J’ai en mémoire cet article de journal dans lequel un jeune prêtre, aumônier de lycée public, racontait comment la proviseur avait exigé qu’il porte une marque de sa fonction afin que les élèves sachent à qui ils avaient affaire ! Je crois que la laïcité exige la transparence. Car lorsqu’on a fait les choix de vie qui sont les vôtres, on devine que ce n’est pas pour cacher le Message que vous êtes censés avoir « dans les tripes »! Vous cherchez à « évangéliser » ! Que vous le fassiez de façon directe, même non « agressive », ou de manière indirecte ! Autant annoncer la couleur !

Votre présence peut avoir pour but de soutenir et d’aiguillonner le « témoignage » des laïcs qui vous entourent et dont c’est la « mission » de chrétiens dans la Cité. Subsidiarité oblige ! Peut-être leur rappeler que leurs convictions – affichées ou non – devraient également trouver leur application dans leur vie professionnelle et qu’ils ne sont pas irrémédiablement condamnés à la « schizophrénie [44]»ou à la démission.

Votre présence[45], votre connaissance des hommes ( et vice et versa) et des conditions du service vous permettront d’intervenir, d’améliorer la situation à l’avenir, de régler nombre de ces « problèmes pratiques » cités précédemment, et ce, toujours dans le respect du principe du chacun ses…« oignons [46]». Votre connaissance de l’environnement vous permettra d’éviter de vous scandaliser de ce que l’impossible n’ait pas été réalisé, mais vous autorisera à être surpris de ce que tout ce qui était possible ne l’ait pas été ![47]J’ai vécu cela de façon très précise avec mon aumônier israélite qui m’a beaucoup aidé à comprendre et à régler certaines situations délicates.

Votre présence, le dialogue recherché, permettra au chef de mieux prendre conscience de sa responsabilité et de la façon dont ses directives sont appliquées. Avec de l’expérience, on perçoit facilement quand les directives des autorités pour permettre l’assistance à la messe, par exemple, ne pourront être appliquées en raison du « télescopage » avec d’autres services et compte tenu de l’inéluctable « quart d’heure du caporal ». Votre présence, dès l’incorporation, pourra, par exemple, permettre au jeune caporal d’apprendre que le « respect de la laïcité » n’interdit pas au jeune engagé d’avoir dans son casier personnel une Bible. Rien dans la laïcité n’interdit à une autorité de participer officiellement à une messe, ou toute autre cérémonie confessionnelle, en tant que représentant de l’Etat et de l’ensemble de son personnel, et, si cela correspond à ses convictions, d’y participer activement. « Pour ceux qui ont des convictions religieuses. Il faut continuer à rayonner sa foi, mais je crois, sans ostentation, sans prosélytisme ni attitude caricaturale  [48]», même si ces caractéristiques restent soumises à la subjectivité et peuvent varier avec le temps…ou avec la société ! On a comptabilisé que le général de Gaulle n’aurait communié que trois fois au cours de cérémonies officielles. C’est peut-être oublié que ce dernier appartenait à une génération pour laquelle cet acte important n’avait pas encore connu une certaine « banalisation », si j’ose m’exprimer ainsi !

Combien d’aumôniers, de quelque religion que ce soit, demande à recueillir après chaque incorporation, les formulaires prévus par une directive de 1984 pour recenser les religions éventuelles des nouveaux incorporés , document fort utile en cas d’accident ou en opérations ? « Tachez d’être aussi informés que possible des convictions personnelles et éventuellement religieuses des familles de vos soldats [49]». Combien de chef de section sont attentifs à leurs soldats musulmans en fin de journée de ramadan et de son jeûne peut-être dissimulé ? A noter que, comme les autres principales fêtes des religions juives et musulmanes, le temps du carême est rappelé officiellement et que vous pouvez à cette occasion en rappeler la lettre sinon toujours l’esprit.

Pour terminer sur la « pratique religieuse », je voudrais vous donner mon sentiment sur deux problèmes qui sont, à mon avis, dans l’air du temps : les cérémonies appelées souvent « œcuméniques » et la célébration de l’Eucharistie. Quelle place pour cette vie eucharistique aux Armées dans le contexte que j’ai évoqué ?

Le général d’armée Gobillard, Gouverneur des Invalides, déclarait à des aumôniers durant un rencontre récente : « Votre rôle d’aumônier est capital et permettez moi en final de vous faire quelques recommandations : le soldat est souvent confronté à des visions très perturbatrices et il a besoin d’une certaine ligne de conduite plutôt que de célébrations …. Les hommes ont besoin de vous, mais ils n’osent pas le dire. »[50]…Tout ce qui précède vous montre que j’adhère totalement à ce que dit le général Gobillard. Nous en avons parlé tout les deux. Mais je crois qu’il faut éviter de mal interpréter ces propos et de tomber dans un risque contraire. Les « célébrations » doivent aussi avoir toute leur place ! Si ces dernières ne sont pas « tout », elles doivent, à mon sens, rester le « noyau dur » et incontestable, au moins dans la lettre de la loi !

Pour des raisons de commodité, pour se donner une « bonne conscience laïque » quelquefois, il arrive, semble t-il, de plus en plus fréquemment que l’on propose, voire impose, aux aumôniers des cérémonies que l’on nomme « œcuméniques » ou « intercultes ». Nous risquons de « tout ramener trop vite à une unité artificielle,  faire de l’interculte à tout va où on ne respecte plus les sensibilités des autres [51]»…Peut-être ne faut-il pas alors hésiter à expliquer que, en dehors de toute idée de « syncrétisme », pour beaucoup de protestants, aux traditions diverses, la « communion des saints » n’a pas, je crois, toujours le même sens que dans la tradition catholique. Nos prières, nos messes, m’a t-on appris, ne devraient pas être célébrées en « souvenir » ou « en mémoire de… », comme les cérémonies au monument aux morts, mais pour le « repos de l’âme », même si cette formule est actuellement souvent (volontairement ?) abandonnée comme « ringarde », mais pourtant bien significative. Ne pas oublier de rappeler qu’un rabbin ne peut entrer dans une église…etc. Il me semble qu’une bonne formule a été trouvée dernièrement pour la célébration du 25ème anniversaire de la Libération de Paris : une cérémonie commune sur le parvis de Notre Dame, rassemblant toutes les « sensibilités », suivie, pour les catholiques, dont le Président de la République, par une messe dans la cathédrale.

Le deuxième et dernier point que je voudrais aborder est celui de la célébration eucharistique, elle-même. Il est lié au précédent. Il m’est arrivé d’entendre des prêtres dire : « Je ne veux pas être seulement un faiseur de Jésus-Christ » ! Formule dont on peut comprendre la signification après tout ce que je viens de dire, mais qui peut choquer l’auditeur peu averti ! Je comprends qu’il est difficile de trop souvent se sentir considéré comme le « fonctionnaire », préposé , et presque convoqué, à une formalité, comme par exemple à des baptêmes et mariages où vous peinez à discerner la profondeur de l’engagement religieux au moins.

Mais j’ai aussi entendu des aumôniers expliquer que la célébration eucharistique n’était pas l’essentiel et que, « sur le terrain », il y avait « mieux » à faire (sic !). J’ai certes conscience qu’il faudra nous habituer à ce « bouleversement sociologique » dont parlait Jean Boissonnat, à savoir la raréfaction des célébrations eucharistiques par absence de prêtres. A ce sujet, je ne suis pas sûr que, dans mon diocèse « civil », mon fils sera, plus tard, autorisé à célébrer une messe le jour de mes obsèques ! Est-ce une raison pour accélérer le mouvement : moins de fidèles, moins de célébrations, donc moins de fidèles…etc ?

Je pose une interrogation ! Rassurez vous je n’ai pas la prétention de connaître « la » solution.  C’est vrai, si vous devez rencontrer les militaires sur leur lieu de travail, ce n’est que rarement celui de la prière et de la messe. Le dimanche, les lieux de travail et casernes sont souvent vides. Cela ne doit pas être toujours facile à vivre. Et pourtant :«  Il ne s’agit pas pour l’aumônier de se résoudre tristement à des célébrations solitaires ou épisodiques. N’attendons pas que les foules soient rassemblées pour célébrer. Célébrons dans la foi pour que le Christ rassemble tous ceux auxquels il veut se manifester…Il ne s’agit pas seulement de le croire, mais encore de le vivre.  La chose peut paraître attirante ; elle n’en est pas moins concrètement difficile et en particulier, dans le diocèse aux Armées [52]». Peut-être sommes nous simplement ramenés à l’exemple de notre bâtiment évoqué au début de mon intervention ? Pourtant je me souviens de ce chef de corps, au Kosovo, je crois, interrogé, dans le cadre d’un reportage, qui répondait : « Des aumôniers, pourquoi faire ? Mais nous avons besoin de l’Eucharistie ! ». Là aussi souvent, « ils n’osent pas vous le dire » !

J’entendais dernièrement sur une radio périphérique, un jeune prêtre qui expliquait comment, après une journée sur son « terrain » à lui, il lui arrivait de célébrer seul dans sa chambre. C’est alors, disait-il, qu’il rassemblait dans sa prière toutes les intentions de ceux qu’il avait rencontré ou aidé dans la journée. Avait-il tort ? Au risque de choquer certains d‘entre vous, j’ose poser la question : si la célébration eucharistique n’est pas « le moment fort » de votre présence, si elle n’est pas la « source » à laquelle vous vous « ressourcez » personnellement, qui y « croira » ? Le Père Guy Gilbert, connu pour ses engagements dans la société, écrivait à un jeune prêtre au lendemain de son ordination : « …Donne les sacrements avec amour et force. Ne t’y habitue jamais. Ta plus belle prédication sera là. Nulle part ailleurs…[53] »

Peut-être ai-je dépassé l’épure de mes compétences et de ce qui m’était demandé ? Peut-être suis-je un peu « traditionaliste », « charismatique », etc…à moins que je n’ai pas encore tout compris ? Ce qui me rassurerait plutôt, c’est que je crois comprendre que c’est aussi l’un des soucis de Jean Paul II en cette « année de l’Eucharistie ».

Vous ne serez pas surpris si je choisis de conclure ces journées de réflexion en me contentant, une fois encore, de vous citer les propos de votre (notre) évêque tenus, en 2001, devant les jeunes officiers au cours de ce colloque dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler plusieurs fois. Je crois qu’ils méritent que vous les repreniez à votre compte lorsque l’occasion se présentera :

…« Nous restons aujourd’hui face à des peurs, qui peuvent être légitimes dans certains cas, vis à vis de l’expression de la vie spirituelle, peut-être parce que nous sommes devenus très fragiles (socialement ou nationalement parlant). Face à ces peurs, on a tendance à mettre tous les « potentiomètres » au plus bas.

Je crois qu’il n’est pas juste de céder à ces peurs : nous avons besoin de nous enrichir de cette dimension spirituelle qui s’exprime notamment à travers les différents cultes et confessions. Il s’agit non pas de refouler cette expression du spirituel ni d’inviter les gens à s’enfermer dans des groupes étroits d’expression de leur foi, mais de laisser justement cette espace de liberté ouvert.

La France, dans sa sagesse séculaire, nous a donné la chance de pouvoir exprimer toutes les richesses de l’âme humaine qui cherche le sens de sa vie et notamment à travers cultes, religions, confessions, y compris la religion catholique.

Restons attentifs à ne pas risquer d’appauvrir jusqu’à l’asphyxier cette dynamique spirituelle et religieuse dont nous sommes les héritiers » …

****

Je vous remercie d’avoir donné l’occasion à un simple laïc sans responsabilités, pendant ces quelques jours passés ensemble, de réfléchir une nouvelle fois à ces sujets et de lui avoir permis de vous faire part du résultat de ses réflexions. Vous avez pu constater que je ne suis ni théologien, ni canoniste. Je n’ai sûrement pas épuisé le sujet. Mes propos n’avaient qu’une prétention : alimenter, dans la mesure du possible, vos propres réflexions et débats. J’espère ne pas avoir trop déçu votre attente !


Textes :

– « Loi du 9/12/1905 dite de la séparation des Eglises et de l’Etat (J.O. de la République française 37ème année, N°336 du lundi 11/12/1905 p.7205

– Rapport au Président de la République de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République remis le 11 décembre 2003 ( Commission Stasi)

– « Laïcité et pratique religieuse dans la vie militaire au service de l’Etat » Séminaire à l’EAI de Montpellier en mai 2001.

– « Notre laïcité publique », Emile Poulat, Berg international, 2003

– « L’aumônerie militaire française de 1914 à 1962 » Xavier Boniface ; Cerf  2001

– « Le Christianisme en accusation » René Rémond ; Desclée de Brouwer

– « Catholicisme : la fin d’un monde »  Danièle Hervieu-Léger ; Bayard 2003

– « Chrétiens, tournez la page » Collectif, Bayard, 2002

– « La laicité » ; Guy Haarscher ; Que sais-je? 1996

– « Cent ans de laïcité française » René Rémond ; Contribution pour l’Assemblée des Evêques de France à Lourdes en Novembre 2003 ; Revue Etudes avril 2004

– Allocution de Jean Pierre Chevènement à la suite de l’ordination de Mgr Doré, nouvel évêque de Strasbourg ; novembre 1997

– « Les relations Eglise-Etat en France : de la séparation imposée à l’apaisement négocié » Mgr Jean Louis Tauran : Institut des sciences morales et politiques ; séance du 12 novembre 2001

– « La laïcité à la française, un traitement social du religieux » Jean Paul Willaime, in « Lumière et Vie » N° 190 janvier 1989

– « La République face aux communautarismes »  Dominique Schnapper ; février 2004 ; Revue Etudes

–  « Géographie de la laicité » ; Jean Baubérot : http://xxi.ac-reims.fr/fig-st-die/actes/actes_2002/bauberot/article.htm

– La Documentation catholique, hors série N°9, questions actuelles, « dossier : liberté religieuse et laïcité » 1998

– « Eglises et laïcité en France » Comité mixte catholique-protestant 1998 Centurion / Cerf

– Lettre des évêques aux catholiques de France 1996 ; Cerf

– Déclaration sur la liberté religieuse : « Dignitatis humanae » Concile Vatican II, 7 décembre 1965

– « Note doctrinale à propos de questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 16/01/2003)

– www.cef.fr/catho/endit/laicite/index.php  (documents épiscopaux divers)

– « L’aumônerie militaire face aux défis opérationnels  » (Aumônier Richard Kalka ; EGMIL 01/02)

– « Consacré, ordonné, envoyé : prêtre de Jésus-Christ » Mgr Le Gal ; EGMIL 06/03)

– « L’exercice du métier des armes dans l’Armée de Terre » Paris 1999 »


[1] Jean Delhumeau

[2] « Aumônier de la France Libre ». 2004

[3] « Le Christianisme éclaté »

[4] Le Figaro

[5] « Dieu ne me demande pas de convertir, mais de dire ! » Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

[6] En Belgique

[7] « Guide à l’usage des cadres de contact », omission signalée comme marque de « laïcisme » par le général d’Armée de la Presle au Colloque de Montpellier

[8] « Chacun doit être informé des conditions dans lesquelles il peut rencontrer les représentants des différents cultes…. »

[9] Marcel Gauchet

[10] Année 1215 : IVème Concile de Latran : obligation de la confession et communion annuelle

[11] « Notre laïcité publique » ; Emile Poulat ; Berg international ; 2004!

[12] J.P.Willaime

[13] Claude Nicolet

[14] Il y aurait un parallèle intéressant à faire entre l’état d’esprit et les arrière-pensées de ceux qui ont établi le « processus de paix » de l’Edit de Nantes et ceux du processus en Israel en 1993 que j’ai eu la chance de suivre sur place pendant trois ans.

[15] Danièle Hervieu-Léger

[16] E. Poulat

[17] Luc Ferry

[18] Emile Poulat : « La France catholique » du 7 novembre 2003

[19] Emile Poulat

[20] Pierre Joxe, le 12 septembre 1990 à Strasbourg

[21] article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».

article 2 : « La République ne reconnaît, ni ne salarie aucun culte…Pourront toutefois être inscrite au dit-budget, les dépenses relatives à des services d’aumôneries et destinées à assurer le libre exercice du culte…»

[22] Neuf fois d’après Emile Poulat

[23] Emile Poulat

[24] « La fête révolutionnaire » ; Mona Ozouf ; Gallimard 1976

[25] Henri Madelin sj.

[26] Emile Poulat ; p.270

[27] En fait, des 25 pays de l’Union Européenne :

-7 connaissent un régime de « religion d’Etat » : DK, Fin, Norvège, Suède, Grèce, GB, Malte

-7 professent la séparation des Eglises et de l’Etat : Hongrie, Lettonie, Portugal, République Tchèque,Slovaquie, et Slovénie. La France est la seule à se proclamer « laïque » dans sa Constitution.

-15 pays ont signé des Concordats ou accords bilatéraux avec le Saint Siège : Autriche, Espagne, France (Alsace-Moselle), Italie, Portugal, Lu, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lithuanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie. En Allemagne, le Saint Siège a signé des accords avec 14 des 16 landers. Les accords sont en cours de ratification avec la Tchéquie.( Cardinal Tauran devant le Congrès des Anciens élèves du Séminaire pontifical français )

[28] René Rémond  dans « Chrétiens, tournez la page » ; Bayard

[29] Jean Paul Willaime

[30] Marcel Gauchet

[31] Autun en l’occurrence

[32] Et René de Naurois, encore lui, écrit : «…Un prêtre au milieu des combattants , n’est ce pas un non-sens ?…Quand les soldats aiment leur aumônier, ils le protègent parce qu’ils savent ce qu’il leur apporte, une présence et un réconfort aussi importants que les soins du médecin…Je crains de jouer le conseiller à bon compte, ou le prophète de la mort…

[33] Revue Ecclesia

[34] EGMIL Mgr Le Gal

[35]Colloque de Montpellier, Général d’armée de la Presle

[36] Et René de Naurois, encore lui, écrit : «…Un prêtre au milieu des combattants , n’est ce pas un non-sens ?…Quand les soldats aiment leur aumônier, ils le protègent parce qu’ils savent ce qu’il leur apporte, une présence et un réconfort aussi importants que les soins du médecin…Je crains de jouer le conseiller à bon compte, ou le prophète de la mort…

[37]  Pasteur Gaudry, Directeur de l’aumônerie protestante aux Armées ; colloque Monpellier 2001

[38] « Pourquoi est ce que je  vis ? Y a t-il un Dieu ? Et s’il existe, quelles relations pouvons nous avoir avec lui ? Que se passe t-il après la mort ?  C’est l’originalité de la Révélation chrétienne d’apporter des réponses  à ces questions capitales. Le reste, c’est à dire les effets induits que produit la religion sur chaque homme, ce sont des effets induits, accessoires par rapport au contenu des messages. Mais de nos jours on s’intéresse davantage aux effets induits et je crois qu’il y a là un malentendu…Le christianisme parle de Dieu, de la richesse de la vie trinitaire, mais on attend une religion  qui pourra nous permettre d’être bien dans notre peau, à l’aise dans nos rapports aux autres. En fait, on s’intéresse à l’utilité de la religion… » Jean Delhumeau . P.21

[39] Mgr Le Gal, EGMIL juin 2004

[40] Pasteur Gaudry, idem

[41] EGMIL mai 2003 : Message de Jean Paul II aux aumôniers militaires à l’occasion d’un cours de formation en droit humanitaire (24 mars 2003)

[42] René de Naurois, ouvrage cité

[43] « Dans un premier temps, il revient aux aumôniers, par leur action et leur comportement, de faire sentir l’existence du diocèse aux armées comme institution et l’aumônerie opérationnelle comme une organisation réelle, non individuelle, concrète et efficace. Dans un deuxième temps, il conviendrait que le diocèse aux armées travaille au plus haut niveau à faire reconnaître cette institutionalité » Père Kalka (EGMIL)

[44]…« La foi du chrétien a une dimension publique qui est aussi communautaire. Limiter cette expression et cette expression communautaire, pour ne pas indisposer les autres par exemple, conduit inévitablement à cantonner les pratiquants dans de toutes petites chapelles, ce qui est exactement l’inverse de ce que l’on veut faire… On ne peut pas imaginer une « schizophrénie » chrétienne qui se traduirait par l’existence de deux lieux bien séparés : un lieu (professionnel, public, politique) où on oublierait ou tairait sa foi, et un lieu privé où on pourrait l’exprimer librement. « Exprimer » ne veut pas dire « afficher » ; mais dire que la vie chrétienne doit être dans l’ordre du privé est profondément injuste par rapport aux exigences fondamentales de la foi catholique »…Mgr Le Gal aux officiers de l’EAI

[45]«  Une stratégie de présence invitante, d’accueil bienveillant. » Mgr Le Gal ; EGMIL

[46] L’amiral de Joybert, chef d’état major de la marine, à Mgr Riobé au sujet de la force nucléaire dans les années 60 !

[47]  « Encouragez donc la présence des aumôniers auprès de votre unité dans les exercices de la vie courante. …Exploitez au maximum vos aumôniers »  Général de la Presle

[48] idem Général Poulet, commandant l’EAI

[49] idem ; général de la Presle

[50]EGMIL : Général d’armée H.M.Gobillard aux aumôniers militaires 26/02/2003

[51] Mgr Le Gal ; EGMIL

[52] Mgr Le Gal ; EGMIL

[53] La Croix du mercredi 4 juillet 2001