Homélie de la messe internationale du 63e PMI

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements »

« Dites au prêtre de construire une chapelle. »

Mes amis, cette chapelle, c’est la maison commune, cette terre que Dieu nous a confié. Cet événement unique au monde [Le PMI] qui nous réunit en est une expression prophétique.

Je salue tous mes frères évêques qui m’entourent : Monseigneur Broglio, président de la Conférence des évêques américaine et évêque aux armées américain, qui préside notre célébration, entouré par l’évêque aux armées espagnol et italien, ainsi que chacun de nos drapeaux et les gardes suisses qui nous disent le lien étroit et intime avec notre Saint-Père le pape François.

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». Aimer est le seul sujet de nos vies. Dieu est amour. Nous sommes faits pour aimer et pour être aimé. Le seul sujet de tous les livres, de toutes les chansons, de toutes les poésies du monde, c’est celui de l’amour que nous voulons vivre avec force, en vérité.

Spontanément, tous, nous voulons aimer. Spontanément, tous, nous aimons l’amour. Les choses se compliquent lorsque l’on associe commandement et amour. L’amour peut-il faire l’objet d’un commandement ? Comprenons que nos langues, le français en particulier, sont particulièrement pauvres dans leur expression. Si j’aime l’autre comme le chat aime la souris, c’est pour le détruire à mon profit.

Le grec est ici une aide formidable pour comprendre le chemin que nous sommes invités à faire.

Il utilise trois mots éros, philia et agapè. Éros, c’est l’amour-pulsion, l’amour qui prend, l’amour qui domine. Ce n’est pas négatif en soi. Si nos parents ne l’avaient pas expérimenté, nous ne serions pas là pour en parler.

Philia, c’est le contrat, c’est la réciprocité. Tu m’invite à dîner, je t’invite à dîner. Tu me donnes un conseil, je te donne un conseil.

Agapè, c’est le nom divin de l’amour, c’est la charité, c’est le don sans réserve pour l’autre, pour le bien de l’autre.

Nous sentons qu’il y a ici un chemin entre l’éros, pulsion initiale, la philia, la vie en société, et l’agapè, ce qu’il y a de plus beau à la pointe de nos cœurs. Cette démarche s’accompagne de quatre niveaux qui s’appliquent à chacune de ces étapes : d’abord un plaisir et puis une émotion, un sentiment et enfin une volonté.

Quelle merveille lorsque l’on associe agapè, le nom divin de l’amour, avec la volonté, l’engagement de tout mon être. Il y a ici un point d’articulation fondamental et décisif de nos existences. Il s’agit d’abord de se laisser être aimé par le Seigneur.

Ce n’est pas nous qui aimons Dieu, c’est Dieu le premier qui nous aime. L’étape décisive de nos vies. Et lorsque nous sommes rentrés dans une relation personnelle avec Dieu, lorsque nous accueillons l’amour fou que Dieu nous porte, notre cœur, étant touché au plus profond de lui-même, offre à Dieu, en retour, cet amour dont il veut nous combler.

Se laisser toucher, accepter d’être vulnérable. Nous avons souvent peur d’aimer parce qu’aimer, cela veut dire entrer dans une vulnérabilité et reconnaître, dire à l’autre que j’ai besoin de lui pour être heureux et pour accomplir ce que je suis. Quelle merveille pour les chrétiens, pour les baptisés que nous sommes, de pouvoir reconnaître que cet amour de Dieu qui vient féconder notre cœur est l’accomplissement de tout ce que nous sommes.

Accueillir le don de Dieu, accueillir son amour, nous laisser être touchés. La volonté, elle, se déploie à partir de cette rencontre première. Elle s’articule avec cette rencontre première de Jésus qui vient parler à mon cœur.

Le jour du mariage, on ne demande pas aux fiancés leur degré de plaisir, d’émotions ou de sentiments, mais « Voulez-vous ? », et ils répondent « Je le veux ». On ne se marie pas parce qu’on s’aime, on se marie pour s’aimer.

Le jour de l’ordination sacerdotale, on demande au futur prêtre non pas son émotion ou ses sentiments, mais « Voulez-vous ? » et il répond « Oui, je le veux, avec la grâce de Dieu ».

Mes amis, le point central de nos existences est d’accueillir avec confiance l’amour que Dieu nous porte.

Le retournement dans l’éducation d’un enfant se fait lorsqu’il a compris que ses parents, qui sont des êtres merveilleux mais qui ne sont pas parfaits, qui ont leurs limites à bien des égards, lorsqu’ils donnent des commandements, demandent qu’on leur obéisse, ce n’est pas pour faire sentir leur pouvoir ou leur domination, mais pour faire grandir le meilleur de ce qu’il y a dans mon cœur.

Quelle merveille lorsque je reconnais en Dieu, Père de Jésus-Christ – ce Père tout aimant dont chacune des paroles dans l’écriture, dans la Bible et dans l’Évangile, peuvent parfois être difficile à entendre – est là pour m’aider à grandir, à me déployer, à donner le meilleur de moi-même.

« Mon commandement, c’est de vous aimer les uns les autres ». Spontanément, nous sommes dans l’éros, dans l’orgueil, dans la volonté de puissance, dans la domination.

Nous sentons bien que nous sommes faits pour aimer, pour être dans le don, dans la gratuité, dans la lumière. Merveille du baptisé de se savoir enfant bien-aimé du Père.

Mes amis, cette maison commune que nous avons à construire, cette fraternité à laquelle le Seigneur nous invite et que notre assemblée exprime d’une manière unique et extraordinaire ne peut se faire que si, d’abord, chacun, nous accueillons dans notre cœur cet amour unique dont le Seigneur nous aime, chacun, personnellement.

Je conclus ici.

Je ne suis pas libre de la question de Dieu. Je suis libre de la réponse ; je ne suis pas libre de la question du Christ, « Pour toi, qui suis-je ? », je suis libre de la réponse ; je ne suis pas libre du fait que j’ai été créé pour aimer et pour être aimé, je suis libre de la réponse.

Mes amis, ressaisissons aujourd’hui encore, en ce dimanche où nous célébrons la résurrection du Christ, combien chacun d’entre nous fait l’objet du choix de Dieu qui nous aime, le premier, de la manière la plus parfaite et qui vient frapper à la porte de notre cœur et de notre liberté en nous invitant, nous aussi, personnellement, à faire le choix de Dieu, le choix de la liberté, le choix de la lumière, le choix de la vie, le choix d’accomplir ce pour quoi nous sommes faits : aimer à la suite de Jésus, pour l’éternité.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.

A Lourdes, le dimanche 14 mai 2023

S.E. Mgr. Antoine de Romanet de Beaune
Evêque aux armées françaises