Messe pour la paix 2024

Chers amis,

La paix soit avec vous.

Cette paix qui nous rassemble d’une manière toute particulière ce matin, nous le comprenons bien, ce n’est pas une petite paix étriquée aux dimensions de nos intérêts personnels ; il ne s’agit pas de la victoire des forts sur les faibles ; il ne s’agit pas de la continuation de la guerre par d’autres moyens, pas plus que de la paix des cimetières. Nous savons tous à quel point on peut gagner une guerre et du même mouvement perdre la paix.

La paix qui nous rassemble ce matin, c’est la paix du Christ ; la paix, fruit et signe de la charité et de la justice, la paix du cœur, la paix entre les Frères, la paix entre les nations ; la paix si précieuse et si fragile. Cette paix qu’il nous faut sans cesse gagner à l’intime de nos âmes et au cœur de notre monde.

Les textes de cette liturgie, qui sont les textes proclamés dans le monde entier en ce deuxième dimanche du temps de l’Église, éclairent le chemin de cette paix qui passe d’abord par la paix à l’intime de chacun de nos cœurs. Il s’agit d’être accordé à nous-mêmes, à l’être profond qui nous habite. Il s’agit fondamentalement pour chacun d’entre nous de répondre à notre vocation.

Vocare, appelé. Qu’est ce qui m’appelle ? Qui est-ce qui m’appelle, qui est-ce qui est digne de mobiliser mon énergie, de mobiliser le meilleur de moi-même, de donner sens à mon existence ?

Je voudrais reprendre avec vous simplement les trois points centraux de cet évangile.

« Que cherchez-vous ? », « Venez et vous verrez », « Nous avons trouvé le Messie ».

Ce matin encore, le Christ vient à la rencontre de chacun d’entre nous, personnellement, pour nous poser cette question décisive : « Que cherchez-vous ? »

Que cherchons-nous, mes frères, de la façon la plus essentielle, dans notre vie, fondamentalement ?

Qu’est-ce que je cherche ? Nous le savons, dans nos existences, nous ne trouvons que ce que nous recherchons avec force. Alors, ne répondons pas trop vite, regardons nos agendas, observons nos priorités.

Comment s’organisent concrètement mon temps et ma vie ? Qu’est-ce que je cherche ? Je cherche à réussir ma vie. Et qu’est-ce qu’une vie réussie ? Pour les autres ou pour moi ? S’agit-il de réussir dans la vie ou de réussir ma vie ? Est-ce que j’ai suffisamment de caractère pour mener moi-même ma vie à l’écoute de mon propre cœur et de ma propre conscience ?

Si ma vie consiste simplement à exécuter le programme que la société de production et de consommation a prévu pour moi, alors oui, je risque de mourir dans une petite vie étriquée.

Où est mon oxygène ? Où est ma vie ? Où est mon cœur ? Où est ma paix ? Quand, comment et par qui est-ce que j’accepte d’être questionné ? Est-ce qu’il m’arrive de me remettre en cause ? Est-ce que j’ai le courage de me mettre en situation d’être questionné ? Parfois, j’ai tellement peur de la réponse que je refuse toute question.

Il existe une question décisive pour toute vie d’homme : « Existe-t-il un Dieu et convient-il d’y croire ? » Ton comportement changerait-il en fonction de ta réponse à cette question ? Si, quoi qu’il arrive de la réponse à la première partie de la question, ton comportement ne devait pas changer, alors il est parfaitement inutile de te poser la question.

Que cherchez-vous ? C’est la question que le Christ pose à chacun d’entre nous ce matin. Est-ce que je cherche véritablement une lumière décisive ? Est-ce que j’accepte d’être questionné par le Christ, Dieu fait homme, vrai Dieu et vrai homme, chemin, vérité et vie ?

Mes amis, n’imaginons pas que nous puissions faire l’économie des médiations dans notre vie. Samuel a eu besoin de la médiation du prêtre Élie. André et Simon ont eu besoin de la médiation de Jean le Baptiste.

Nous avons besoin d’être accompagnés et stimulés par d’autres qui nous mènent au tout autre pour discerner l’appel fondamental de nos vies. D’où cette question essentielle : suis-je ouvert ce matin à la question du sens ultime de ma vie et de la manière dont, concrètement, j’y réponds, ou est-ce que tout serait définitivement totalement verrouillé dans mon existence ? Mes amis, que cherchons-nous profondément ?

« Venez et vous verrez. » Samuel et Simon-Pierre ne savaient pas du tout où cela les mènerait, mais ils étaient disponibles pour une authentique rencontre. La construction de la paix ne se fait jamais tout seul. C’est avec l’autre que je construis la paix, que je la déploie, que je la fais vivre.

Il s’agit d’être disponible pour une authentique rencontre avec soi-même, avec l’autre, avec le tout-autre. Il n’y a pas de paix sans rencontre personnelle, sans ouverture du cœur. La rencontre, c’est ce qu’il y a de plus beau et de plus engageant dans une vie d’homme. Quelle merveille lorsqu’il s’agit d’une rencontre avec mon créateur, maître et Seigneur, Lui qui sait mieux que tout qui nous sommes et ce pour quoi nous sommes faits !

Il s’agit d’être libre pour entendre l’appel, pour me mettre en mouvement, pour engager ma vie. Être libre, c’est-à-dire ne pas être esclave de mon orgueil, de ma volonté de puissance, de ma paresse, de mon confort, de mes habitudes. On ne construit pas la paix sans sortir de son orgueil et de son égoïsme. Cela se vérifie tout autant pour la construction de la paix à l’intime de nos cœurs qu’avec celui qui me fait face et qui fut mon ennemi.

La paix de mon cœur est le centre de la construction de la paix avec l’autre, l’adversaire, l’étranger, le danger. Là encore, il me faut sortir de mon orgueil et regarder l’autre en frère.

C’est toute l’histoire de la fantastique réconciliation franco-allemande menée par Adenauer, Schuman, De Gasperi et de Gaulle après 1945, c’est l’impressionnante démarche incarnée par Nelson Mandela. C’est toute l’histoire de l’humanité qui s’engage avec confiance dans une parole et un projet qui la dépasse, celle de l’amour-charité qui ne cesse de frapper à la porte de nos cœurs. Cet amour-charité, pour nous chrétiens, a un nom et un visage, celui de Jésus.

« Nous avons trouvé le Messie ».

Rencontrer le Messie, ce n’est pas en avoir entendu parler de loin, c’est d’abord ouvrir mon cœur dans une rencontre de cœur à cœur. L’amour-charité que je suis invité à vivre est une réponse à cet amour que le Seigneur ne cesse de m’offrir. Réaliser que c’est Dieu qui, en Jésus-Christ, a l’initiative de la rencontre, comme l’illustre l’Évangile de ce matin. Car c’est bien le Christ qui, ce matin, vient frapper personnellement à la porte de chacun de nos cœurs. Il s’agit de passer de la fides qua à la fides que, du contenu objectif de la foi à l’engagement personnel de la foi, à la première personne, en première ligne. Je réalise alors combien cette relation d’amour m’engage par tout mon être, corps, âme et esprit.

C’est tout le sens de la deuxième lecture que nous venons d’entendre. Ce texte de saint Paul qui nous dit la dignité de notre corps et la dignité du corps de celui qui me fait face, qui me dit combien c’est le tout de mon être dans ma relation à l’autre. L’autre qui est également encore à mes esprits que nous avons l’un et l’autre à unifier de la façon la plus fondamentale.

Parce que nous sommes frères, ayant le même père, parce que recevant le même amour, nous sommes invités à le déployer dans une fraternité qui est l’expression de la conversion de nos existences. Nous comprenons alors combien l’amour-charité qui vient de Dieu, combien cette paix qui vient toucher mon cœur, vient irradier toutes mes relations.

Mes amis, en ce jour où nous prions pour la paix, nous comprenons que celle-ci passe d’abord par la conversion de chacun de nos cœurs.

N’ayons pas peur. N’ayons pas peur d’aimer, n’ayons pas peur de l’absolu, n’ayons pas peur de tout donner, n’ayons pas peur d’y passer tout entier, n’ayons pas peur du Christ, Il ne retire rien et Il donne tout.

Mes amis, alors que nous sommes au seuil d’une nouvelle année calendaire, alors qu’aujourd’hui est pour chacun d’entre nous le premier jour du reste de nos vies, n’ayons pas peur de nous laisser interpeller par le Christ.

Que cherchez-vous ? Venez et voyez ! En Jésus-Christ, nous avons reconnu le Messie. Par lui sont venues la grâce et la vérité.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.