Homélie de la messe pour la paix 2023

Le dimanche 8 janvier 2023, jour de la solennité de l’Epiphanie, la messe annuelle pour la paix a été célébrée en la cathédrale Saint-Louis des Invalides.

Voilà donc les rois mages qui se prosternent devant Jésus, le prince de la paix.

Mais attention, nous devons éviter un regard un peu trop romantique sur la scène, un regard trop romantique sur Noël, parce que, le Verbe s’étant fait chair, devient vulnérable.

Cet enfant, Jésus, qui est le prince de la paix, est extrêmement vulnérable.

Nous comprenons donc, de par cette image, que la paix dans le monde est extrêmement vulnérable.

Nous nous sommes bercés en sécurité les dernières décennies.

Certes, il y avait des guerres toujours, et des gens mouraient. Mais à l’exception de la Serbie, de l’ancienne Yougoslavie, il semble que l’Europe fut en paix.

Nous savons maintenant que c’était ça, peut être, ce romantisme de la paix, mais comme suite de l’Évangile que nous avons entendu. Hérode fait massacrer les enfants innocents.

Aujourd’hui, de nouveau en Europe, il y a des massacres. Et tout comme il nous faut condamner ce massacre des innocents, ainsi il nous faut condamner, les gens tués à Boutcha, les femmes et les enfants violés, les bombes qui tuent des gens innocents.

Oui, la paix est fragile, comme cet enfant Jésus. Pour comprendre quelle démarche nous devons faire pour la paix, il faut regarder de près les trois mages.  Tout d’abord, ce sont des hommes qui ont vu l’Étoile. Beaucoup de gens n’ont pas vu cette Étoile. La majorité ne l’ont pas remarquée.
Ils l’ont remarquée parce que c’étaient des hommes d’un désir profond. Un désir profond de vrai bonheur. Un désir profond de vie. Un désir profond de paix.

Ces hommes de désir se sont mis en route. Quand ils se mettent en route, ils ont une double tâche :  ils doivent regarder en haut, parce que s’ils ne voient plus l’Étoile, ils sont égarés ; et ils doivent regarder en bas, parce qu’autrement ils tombent.

Alors, le travail pour la paix, c’est en fait ces deux dimensions.

Il faut regarder en haut, parce que la paix est un don de Dieu. La paix est plus qu’une cessation des hostilités. La paix correspond au désir profond de chaque personne humaine. Et si nous perdons la direction que l’Étoile nous donne, eh bien, nous tombons par terre.

Et puis, il faut regarder en bas. Il faut regarder en bas, c’est le chemin de notre vie qui se dessine devant nous.

Il y a peut être des vallées belles avec des fleurs, des arbres, de l’ombre, des sources. Il y a dans le paysage de nos vies, peut être, quelques petits déserts que nous avons dû traverser. Il y a des montagnes qu’il a fallu traverser et où notre souffle nous faisait problème.

C’est notre vie. Il faut regarder en bas, pour arriver au but. Parce que l’Étoile d’en haut, correspond au chemin d’en bas.

Parce que le Dieu du haut qui nous guide, se manifeste dans la réalité de nos vies. Si nous voulons rencontrer Dieu, nous devons regarder cette réalité de nos vies. Parfois, nous avons peur, parce qu’il y a ces déserts dans nos vies, parce qu’ils nous font peur, des choses dont nous avons honte. Mais Dieu les voient de manière tout à fait différente.

Dieu voit notre vie avec un grand amour. Un amour qui pardonne. Un amour qui nous enveloppe. Un amour qui nous fait progresser. La rencontre avec le Dieu vivant dans nos réalités, fait de nous des hommes réconciliés avec leur propre vie, c’est-à-dire des hommes et des femmes de paix.

Je m’incline devant toutes les armées qui défendent la paix. Je m’incline profondément, parce que grâce à la discipline, grâce au sacrifice concret de chaque soldat, de chaque homme et de chaque femme sous les armes, la paix est maintenue.

Mais il nous faut encore plus. Il nous faut la paix dans nos vies. Cette réconciliation avec nous-même, un cœur qui n’est pas déchiré, un cœur qui ne nous envoie pas par ci et par là dans nos vies, un cœur qui donne une direction à notre vie.

Oui, chacun de nous, a soif de bonheur et de paix.

Et le paradoxe est que cet enfant fragile, sur les genoux de sa maman, cet enfant vulnérable, que c’est lui, lui seul, qui peut nous donner cette paix. Parce que cette vulnérabilité de l’enfant, va se montrer, des décennies plus tard, sur la croix à Golgotha.

Nous pouvons comprendre l’amour. L’amour que Dieu a pour nous. Cet amour où Dieu donne Sa vie, pour que nous puissions profiter pleinement de notre vie.

Jésus a donné Sa vie pour que nous ayons la vie en plénitude. Là vous voyez, la vie sur cette terre et celle comme on le dit au ciel, est un seul chemin. Parce que le Dieu d’amour, ne nous donne pas la vie pour que nous vivions 70 ans, 90 ans, une centaine d’années, et puis que nous disparaissons. Non.

Ce Dieu nous aime. Il veut être en notre compagnie, et c’est là, la vie éternelle.

Comme chrétiens, nous pouvons être en paix parce que nous croyons à la vie éternelle. C’est cette foi dans la vie éternelle, qui peut nous donner la paix.

Nous pouvons penser aussi à tous les soldats qui ont donné leur vie pour notre liberté, pour la liberté des femmes et des enfants dans nos pays. Nous nous inclinons devant leur sacrifice, qui s’inscrit dans le sacrifice de Jésus sur la croix. Oui, nous savons maintenant, en Europe, à nouveau, qu’on doit être forts pour être en paix. Qu’on a besoin de nos armées, pour être en paix.

Et il faut cette même force, et parfois ces mêmes combats spirituels, pour avoir la paix dans nos cœurs.

Alors, je voudrais conclure cette petite homélie, avec la salutation que chaque évêque fait au début de la messe :  la paix soit avec vous, dans vos cœurs, dans vos vies, dans vos réalités. Amen.

S.Em. Mgr. Jean-Claude Hollerich, cardinal archevêque du Luxembourg