L’île Saint-Joseph en Guyane accueille la statue de son protecteur

Pour la première fois, une statue de saint Joseph a été installée sur l’île Saint-Joseph des îles du Salut en Guyane

La paroisse militaire du 3e REI accompagnée des donateurs et invités a vécu un grand moment ce samedi 19 mars 2022 lors de la bénédiction de la statue en l’honneur de Saint Joseph, jour de sa solennité.  En effet, après une traversée de 30 minutes sous un soleil radieux mais sur une mer agitée, nous fûmes très heureux d’arriver à bon port pour participer à la messe et à la bénédiction de la statue par Mgr Alain Ransay, nouvel évêque du diocèse de Cayenne. De mémoire de « bagnards » et de légionnaire, c’est probablement la première fois qu’une statue de Saint Joseph est installée et bénie sur cette île qui en porte son nom ! Le projet pour ériger cette statue est venue du constat qu’il n’y avait aucun lieu rappelant la présence de Saint Joseph, le père adoptif de Jésus qui est l’image de tous ceux qui cherchent un père aimant, tendre, travailleur et courageux !  Et, la lettre du pape François « Patris Corde » « un cœur de père » qui a institué l’année 2021 en « année Saint Joseph » est arrivée à point nommé !

« Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en « deuxième ligne » jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. À eux tous, une parole de reconnaissance et de gratitude est adressée » …

« L’histoire du salut s’accomplit en « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), à travers nos faiblesses. Nous pensons trop souvent que Dieu ne s’appuie que sur notre côté bon et gagnant, alors qu’en réalité la plus grande partie de ses desseins se réalise à travers et en dépit de notre faiblesse. C’est ce qui fait dire à saint Paul : « Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » » (2 Co 12, 7-9). »…

« La volonté de Dieu, son histoire, son projet, passent aussi à travers la préoccupation de Joseph. Joseph nous enseigne ainsi qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse. Et il nous enseigne que, dans les tempêtes de la vie, nous ne devons pas craindre de laisser à Dieu le gouvernail de notre bateau. Parfois, nous voudrions tout contrôler, mais lui regarde toujours plus loin. »…

« Chaque fois que nous nous trouvons dans la condition d’exercer la paternité, nous devons toujours nous rappeler qu’il ne s’agit jamais d’un exercice de possession, mais d’un “signe” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l’unique Père céleste qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) ; et une ombre qui suit le Fils. » … écrivait le Pape François dans sa lettre « Patris Corde ».

Grâce à Dieu et à tous ceux qui ont participé de loin ou de près à ce projet, nous avons pu installer cette statue réalisée par le tailleur de pierre Martin DAMAY de Villeneuve lès Avignon. En effet, après avoir été achevée, elle est passée entre les mains du 1er REG, celle d’un équipage d’un A400M et du fier chaland de débarquement « Anne Marie » du 3e REI, pour être enfin bénie !

Aujourd’hui, la beauté et la tranquillité de l’île Saint Joseph dont le 3e REI a la garde et l’entretien, semblent totalement occulter l’histoire du bagne qui s’est déroulée en son sein. Au vu des très agréables moments que nous y passons à chaque fois, il est difficile d’imaginer que de nombreux Français ont souffert dans leur chair et dans leur âme sur ces 3 petites iles paradisiaques, appelées iles du Salut et se situant à 10 km au nord de Kourou.

D’abord nommées « Îles du Triangle » (en raison de leur disposition) par les premiers explorateurs, les îles du Salut prirent ensuite le nom sinistre « d’Îles du Diable » en raison des forts courants marins qui rendaient leur accès très périlleux, mais aussi de la tragique expédition de Kourou de 1763-1764, qui se solda par une hécatombe (environ 12 000 morts en un an).  Les survivants, qui trouvèrent refuge sur ces îles au climat plus favorable et dépourvues de moustiques, les rebaptisèrent alors « Îles du Salut ».

Mais ce « salut » fut de courte durée et la réputation de ce « triangle maudit » et de cette « terre d’enfer » allait être confirmée dès la Première République par la construction d’une forteresse, en 1793, pour y accueillir les premiers déportés politiques, à commencer par quelque deux cents prêtres réfractaires.

L’île Saint Joseph fut l’île ou il y eut le plus de souffrances : elle fut choisie, pendant la période du bagne, comme lieu de réclusion cellulaire, d’asile de fous et de cimetière des surveillants. Le traitement des forçats lui valut d’être surnommée « l’île du silence », « la mangeuse d’homme » ou qualifiée de « guillotine sèche ».

Le camp des Îles du Salut va demeurer en activité jusqu’à la fin du bagne de Guyane. Le 17 juin 1938, après une intense campagne de presse, le décret-loi mettant fin au régime de la transportation est promulgué. Il faut attendre 1945 pour que l’envoi des relégués en Guyane soit arrêté. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’opinion internationale se fait pressante et aboutit en 1946 à la fermeture du bagne. Les forçats restant sont rassemblés sur les Îles du Salut et leur retour s’échelonne jusqu’en 1953.

Sur les îles du Salut, après la fermeture du bagne, les infrastructures abandonnées sont victimes de la végétation et du climat, des pillages et du temps. De 1964 à 1968, le seul habitant des Îles du Salut fut le gardien du phare sur l’île Royale. Et depuis l’installation du CSG à Kourou dans les années 60, ces îles appartiennent au CNES. L’entretien et la surveillance de l’île Saint-Joseph a été confiée au 3e REI depuis son arrivée en 1973.

Padre Philippe, aumônier des Forces Armées en Guyane