Homélie de la messe pour la paix à Toulon

Monseigneur Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, était ce dimanche 16 janvier 2022 en la Cathédrale de Toulon pour la messe pour la paix.

Chers amis,

Nous célébrons en ce dimanche une messe pour la paix. La paix dont il s’agit, ce n’est pas la victoire des forts sur les faibles, ni la continuation de la guerre par d’autres moyens, ni la paix des cimetières.

La paix dont il s’agit, c’est la paix du cœur, la paix entre les frères, la paix entre les nations. Prier pour la paix, c’est demander au Seigneur une grâce qui ne peut venir que de Lui, en plénitude. Les militaires maitrisent la force pour empêcher la violence, ils sont forts pour protéger les faibles, et ils détestent les guerres parce que ce sont eux qui les font.

Ce matin nous venons prier pour la paix à travers la prière Suprême de l’Eglise, la messe, qui commence par cet accueil épiscopal au nom du Seigneur : « La paix soit avec vous », et qui se termine par cet envoi au nom du Seigneur : « Allez dans la paix du Christ. »

Cette paix est d’abord le fruit de la conversion de chacun de nos cœurs. Passer de l’extérieur à l’intérieur, passer du formel au spirituel. C’est tout l’enjeu pour une part de l’Alliance que nous offre le Seigneur et que les noces de Cana, dont nous venons d’entendre le récit, illustre avec force.

Si un thème absolument central dans toute l’écriture, dans toute la Bible, c’est bien celui de l’Alliance. L’Alliance nouvelle et éternelle, que nous apporte le Christ. Alliance nouvelle qui succède à la première Alliance qui était le temps de l’attente et de la préparation de la venue du Messie. Et c’est véritablement au cœur même de la révélation biblique que se trouve cette image des noces, des épousailles qui dit l’intimité extraordinaire que Dieu vient offrir à chacun d’entre nous. Et lors de son premier miracle en St Jean, c’est dans ce contexte de noces, que Jésus pose un acte qui dit d’emblée l’essentiel qui va se déployer à la Croix.

Jésus est invité à des noces. C’est Lui, Jésus, qui est au centre de tous les versets de cet Evangile. C’est intéressant parce qu’on n’est pas dans une célébration liturgique ou religieuse, on n’est pas à une messe de mariage, on est au banquet de noces, un repas de fêtes. Et voilà une première vraie question pour chacun d’entre nous. Est-ce que je suis prêt à inviter le Christ au tout de ma vie ? Est-ce que le Christ est tout autant présent à ce banquet qu’à la célébration religieuse qui l’a précédé ? Parce que nous aurions bien rapidement tendance à couper notre vie en tranches : il y aurait la messe dominicale pendant une heure chaque dimanche matin, et puis telle ou telle activité religieuse éventuellement proposée par monsieur le curé pendant la semaine. Et pour le reste, on tenterait de vivre vaille que vaille. Et bien nous avons à comprendre, et cette scène nous le dit magnifiquement, que Dieu, notre Dieu, est présent à tous les instants et à tous les aspects de notre existence. Il n’y a rien qui soit profane dans notre vie. Par la Grâce, notre baptême, nous sommes habités par l’esprit du Seigneur, et c’est dans le tout de notre existence, ce sont nos joies et nos peines, dans le labeur comme dans la détente, que le Seigneur est invité, que nous sommes invités à être accompagné par le Seigneur pour autant que nous lui faisons place, que nous le prenons véritablement comme compagnon du Tout de mon existence.

Ce qui est central dans cet Evangile, c’est Marie, figure de l’Eglise attentive aux besoins des Hommes. Cet Evangile de Cana nous le dit d’une manière bouleversante. Marie, figure de l’Eglise, mère du Christ, mère des Hommes. Marie est probablement arrivée en avance pour aider à préparer des noces, elle a une intimité avec cette maison qui accueille. Elle est attentive, elle attend la nouvelle Alliance. Elle est comme le Christ, comme les disciples, totalement référée au Christ. Vous noterez que dans cet Evangile de St Jean, à aucun moment, on ne nous donne son nom. On nous parle de la mère de Jésus, elle est toute entière, référée à son fils. Marie, toujours conduit vers le fils, de la manière la plus radicale. L’Eglise dont Marie est la mère n’a de sens qu’en lien intime avec le Christ. L’Eglise n’a de sens que pour nous conduire vers le Christ.

Dramatique cécité lorsque nous nous arrêtons aux réalités extérieures sans comprendre la richesse du trésor intérieur qu’est le Christ que porte l’Eglise au-delà de la faiblesse et des infirmités de chacun de ses membres, de vos faiblesses et des miennes réunies.

Marie, mère de Jésus, intercède pour nous. Ils n’ont plus de vin. Une noce où il n’y a plus de vin, on appellerait ça en d’autres circonstances, un accident industriel. Il n’y a rien de pire, rien de plus catastrophique, c’est la honte absolue, la fête est gâchée. Ils n’ont plus de vin. C’est le symbole de tous nos manques, c’est le symbole de cette première Alliance qui est à sec et qui attend la venue du Messie. Jésus présent au cœur de nos détresses, et au cœur de nos pauvretés de tous ordres. Ce manque de vin signe bien l’épuisement de la première Alliance et l’entrée avec Jésus dans une réalité totalement nouvelle. Et Marie de dire aux serviteurs « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ».

Là aussi c’est une référence totale à son fils, à la vérité depuis 20 siècles dans toutes les opérations de la Vierge Marie, et Dieu sait que notre terre de France en compte, de nombreuses. Pensons à Lourdes, à la rue du Bach, à Pontmain. La Vierge Marie est apparue pour simplement nous dire, nous redire, exclusivement ce qu’elle dit déjà au tout début de la vie publique de Jésus : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ».

Merveille de voir combien Dieu a besoin de chacun d’entre nous. Merveille de voir combien le miracle ne s’accomplit que par la main des Hommes. Et nous pouvons penser ici à la multiplication des pains où il a fallu qu’un jeune garçon amène ce qu’il avait dans sa besace, 5 pains et 2 poissons.

Ici, ce sont les serviteurs qui vont être mis en œuvre. Cette présence du Christ à nos manques, que nous illustrons par le « Je confesse à Dieu » au début de chacune de nos Eucharisties, c’est une présence transformante.

Cana est extraordinairement lié à l’heure de la Pâque, l’heure du Christ, et ici, tout anticipe le dernier repas de Jésus avec ses disciples. Jésus invite à ce qu’on remplisse les jarres qui servent aux ablutions rituelles des Juifs. On est en pleine première Alliance. Les ablutions rituelles des Juifs, c’est de l’eau qui coule sur les mains. Et Jésus va utiliser cette eau des ablutions rituelles, pour la transformer en un vin que l’on ingère, qui devient partie intégrante de moi-même et préfiguration de l’Eucharistie.

Vous voyez ce passage extraordinaire entre une réalité extérieure et rituelle et une réalité intérieure et transformante. C’est exactement ce que nous avons vécu dimanche dernier avec le baptême de Jésus : « Moi, je vous baptise dans l’eau », une réalité extérieure, un appel à la conversion dit Jean-Baptiste, « Lui vous baptisera dans l’esprit sain et dans le feu. » C’est bien ce sens de l’Alliance nouvelle et éternelle, versée par le Christ sur la croix qui nous est offert dans sa présence réelle au cœur de chaque Eucharistie et qui signe cette Alliance que Dieu veut offrir à chacun d’entre nous. Non pas une réalité rituelle extérieure mais dans une offrande de notre cœur. C’est bien chacun d’entre nous qui sommes invités à nous offrir au Seigneur, sur la patène, avec tout ce que nous sommes, nos joies et nos peines, nos détresses et nos manques. C’est tout cela que le Christ vient porter et vient transfigurer à la mesure de l’offrande de nos cœurs. « J’inscrirai ma loi au plus profond des cœurs. »

Ce signe du vin à Cana qui préfigure ce signe du pain et du vin, que l’Eglise ne cesse de refaire en mémoire de Lui, d’Eucharistie en Eucharistie. Signe sensible de la présence sanctifiante du fils de Dieu au cœur de ce monde.

Le maître du repas va trouver le marié pour lui faire une remarque sur ce bon vin, alors qu’en général, on sert le bon vin en premier. Ce maître du repas se trompe, c’est à Jésus qu’il aurait fallu s’adresser. Le véritable époux, c’est Jésus. La véritable épouse c’est la femme qui l’interpelle.

Vous noterez que dans cette page de l’Evangile de Cana, l’épouse dont on célèbre les noces n’est pas nommée parce que cette épouse, à bien des égards, c’est chacun d’entre nous. C’est à chacun d’entre nous que sont offertes les noces de l’Alliance éternelle. C’est à chacun d’entre nous qu’est offert d’entrer dans une relation d’intimité avec le Christ. C’est à chacun d’entre nous que le Christ vient offrir ce don de sa personne et de son esprit. C’est chacun d’entre nous que le Christ vient rencontrer dans cette nouvelle et éternelle Alliance bouleversante de Dieu, avec chacune de ces créatures. « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

Dans son message pour la paix du 1er janvier dernier, le pape recommande l’artisanat de la paix fondé sur trois éléments essentiels. Tout d’abord le dialogue entre les générations, ensuite le rôle indispensable de l’Education et enfin l’importance vitale du travail dans la construction et la préservation de la paix. C’est par le travail que chacun peut trouver sa juste place pour lui-même et pour le monde.

Chers frères et sœurs, la promotion de la paix n’est pas quelque chose qui nous dépasse. C’est un effort de tous les jours et de chacun d’entre nous. Chacun d’entre nous à une pierre à y apporter, chacun d’entre nous à un rôle à jouer. C’est un chemin à suivre avec détermination et cela nécessite une conversion continuelle de chacun de nos cœurs et de chacun de nos esprits. C’est la Grâce que nous venons implorer par l’intercession de la Vierge Marie au cœur de cette Eucharistie.

« Tout ce qu’il vous dira, faites-le ».

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, Amen.