« Le Christ est ressuscité des morts » – Homélie de Mgr de Romanet pour le dimanche de Pâques 2021

Homélie de Monseigneur Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, pour le Dimanche de Pâques 2021

Il est ressuscité, Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !

Monseigneur Antoine de Romanet a eu la joie d’accueillir aux Invalides pour la messe du jour de Pâques son excellence Monseigneur Celestino Migliore, nonce apostolique en France.

« Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour ! »

Ps. 117(118), 1.2

 

Homélie de Monseigneur Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, pour le Dimanche de Pâques 2021

Hier soir, au moment où le cierge pascal a été béni, ont retenti, sous toutes les latitudes de la terre, ces mots décisifs : « Le Christ, hier et aujourd’hui, Alpha et Oméga, à Lui le temps et l’éternité, à Lui la gloire et la puissance, pour les siècles sans fin ». Le Christ est le centre de l’histoire du monde : est-il le centre de mon histoire personnelle ? Le Christ est passé de la mort à la vie : est-ce que je suis personnellement engagé dans ce chemin, spirituel, qui conduit à la mort du vieil homme pour que naisse l’homme nouveau ?

I – La Résurrection du Christ : une absolue nouveauté dans l’histoire

La Résurrection du Christ, c’est le point de jonction entre notre temps et l’éternité. C’est une absolue nouveauté dans l’histoire. Pâques est le centre de l’histoire humaine. Comme le disait le philosophe Hegel : « Le Christ est le gond de l’histoire », l’articulation fondamentale qui donne sa plénitude de sens à notre monde et à chacune de nos vies.

a – le Christ est ressuscité avec son corps – résurrection de la chair

Cette absolue nouveauté dans l’histoire, c’est d’abord la Résurrection du Christ avec son corps, cette réalité de la Résurrection de la chair. Les Apôtres ont mangé et bu avec le Seigneur. Thomas a pu mettre sa main dans son côté. Voilà qui nous dit la dignité de notre corps. Mon corps ne se réduit pas à être un outil technique : il a un sens. Un corps qui est l’instrument de l’âme, intimement lié à elle. Le Christ est ressuscité avec un corps, avec son corps.

b – le Christ est ressuscité des morts. Situation radicalement nouvelle, différente de Lazare

Le Christ est ressuscité des morts. Et nous sommes là dans une situation radicalement nouvelle. La Résurrection du Christ n’a rien à voir avec la résurrection – ce que nous appelons improprement la résurrection – de Lazare. Lazare est revenu à cette vie humaine, et il mourra au terme de son existence, à nouveau. En fêtant aujourd’hui le Dimanche de Pâques, nous ne sommes pas en train de nous dire : « Mes amis, effaçons nos larmes, ne pleurons plus, le drame de la Croix est effacé, on est revenu tout en avant, et Jésus est à nouveau avec ses disciples ». Mais pas du tout ! C’est tout le contraire ! On est dans une réalité totalement différente. La Résurrection du Christ est une nouveauté absolue, une situation radicalement nouvelle ! La Résurrection n’efface pas la Croix : elle lui succède, et cela change tout. Cette Résurrection du Christ, le nouvel Adam, est l’œuvre la plus merveilleuse, plus merveilleuse encore que l’acte de création, au commencement du monde. Et vous noterez qu’au début de l’Evangile de saint Jean, il nous est dit : « Le premier jour de la semaine », en un nouveau commencement qui est encore beaucoup plus décisif que le commencement des origines. Le commencement d’une nouvelle histoire, d’une Alliance sainte et éternelle, que Dieu offre à son peuple.

c – le Christ est ressuscité avec un corps glorieux, portant les stigmates de la Passion

Et si le Christ est ressuscité avec son corps, si le Christ est ressuscité des morts, il est ressuscité avec un Corps glorieux. Le Christ va et vient, c’est un passe-muraille : il entre dans la pièce où les disciples étaient tous verrouillés par peur des juifs ; il apparaît et il disparaît aux yeux des disciples d’Emmaüs. Et, pour autant, son Corps de gloire porte les stigmates de la Passion. C’est pour l’éternité que le Corps de gloire de Jésus est marqué des clous dans ses mains et dans ses pieds, et que son côté porte les marques de la lance qui l’a transpercé. C’est ce que voudra vérifier pour nous l’apôtre Thomas. Le Christ en agonie, jusqu’à la fin du monde, jusqu’à la fin des temps, de notre temps.  La Résurrection qui n’efface pas la Croix, mais qui lui succède d’une manière glorieuse.

II – La Résurrection du Christ : un absolu fondement de l’histoire

a – la Résurrection de Jésus échappe à l’histoire, car elle n’est pas de l’ordre de l’espace et du temps

La Résurrection du Christ échappe à l’histoire, car elle n’est pas de l’ordre de l’espace et du temps ; elle n’est ni reproductible, ni compréhensible humainement, parce que nous n’en avons pas l’expérience. Il y a un certain nombre de mots, un certain nombre de réalités, tant que nous ne les avons pas vécues, nous entendons le mot, mais nous ne comprenons pas ce qu’il signifie. Ainsi, une petite fille sait que sa maman attend un bébé : elle l’entend, mais elle ne comprendra que beaucoup plus tard dans sa propre maternité ce que pouvait signifier ces mots.

b – le témoignage des Apôtres est historique

Si la Résurrection échappe à l’histoire parce que nous n’en avons pas l’expérience, le témoignage des Apôtres, lui, est historique. Les Apôtres, quoiqu’ayant vécu trois années extraordinaires avec Jésus, sont bien décrits dans les Evangiles dans leurs faiblesses et leurs lâchetés. Et, pourtant, ils vont donner leur vie pour attester d’un fait et non pas d’une idée. Nous avons vu Jésus ressuscité. Et c’est le passage vibrant des Actes des Apôtres que nous avons entendu en première lecture. Vous imaginez les Apôtres ! Ils ont passé trois années merveilleuses avec Jésus de Nazareth, qui a dit des choses absolument magnifiques. Toute l’humanité reconnaît qu’il n’y a pas de plus grand texte à la surface du globe que l’Evangile. Jésus a posé des actes merveilleux et a accompli des guérisons extraordinaires. Il a annoncé qu’il allait mourir et ressusciter ; il a été crucifié par les Romains ; on l’a mis au tombeau, et on ne l’a plus revu. Est-ce que vous imaginez qu’un homme est capable de donner sa vie pour attester d’un fait qu’il sait faux ! Parce que, si le Christ n’est pas ressuscité d’entre les morts, les Apôtres non plus ne vont pas ressusciter d’entre les morts et nous n’avons qu’une seule vie sur cette terre. Est-il concevable de donner sa vie pour témoigner de quelque chose que je saurais être inexact ? C’est tout le contraire. Ayant vu le Christ ressuscité, les Apôtres comprennent, en plénitude, le sens de ses Paroles, combien notre vie sur cette terre est un passage, une Pâques pour chacun d’entre nous, à sa suite. Et il est tout naturel, d’une certaine manière, qu’ils acceptent de témoigner jusqu’au martyre – martyr signifie témoin – de ce qu’ils ont vu et entendu. Les Apôtres sont tous morts martyrs, en des lieux et en des circonstances différentes. Très clairement, il ne s’agit pas d’un phénomène de groupe ou d’une hallucination collective. C’est chacun, personnellement, qui témoignera par sa vie, qui témoigne par sa vie de la Résurrection du Christ.

c – saint Jean « voit et croit » : Jean regarde avec les yeux du cœur

Saint Jean « voit et croit ». Vous remarquerez, dans le texte de l’Evangile que nous venons de lire : Marie Madeleine commence par essayer de trouver une explication humaine – le tombeau est vide, elle cherche des explications dans sa tête –, Pierre, devant le tombeau vide, est perplexe, saint Jean regarde avec les yeux du cœur. Magnifique expression de la réalité de nos existences ! On ne connaît bien qu’avec le cœur ; on ne comprend bien qu’avec le cœur. Il s’agit de passer du contenu de la foi à l’engagement personnel de la foi. D’une certaine manière, on pourrait dire qu’il s’agit de passer d’une réalité plate à une réalité en trois dimensions. D’ailleurs, le linceul de Jésus, posé là, reste comme en trois dimensions alors même que le corps n’y est plus. Qu’est-ce que j’entends essayer de vous faire comprendre par là ? Une réalité plate, ce sont les faits : le tombeau est vide, les Apôtres ont vu le Christ ressuscité ; c’est le contenu de la foi, le contenu objectif. Passer en trois dimensions, cela signifie que ce fait prend sens pour moi, transforme ma vie, transforme mon cœur, transforme ma compréhension de toute chose. Je comprends cet événement dans sa plénitude de sens, et non pas comme une réalité à distance. Nous sommes au cœur de l’acte de foi, qui est un acte de liberté, qui signe ma dignité. L’acte de foi est pleinement intelligent, l’acte de confiance. Tout y porte et rien n’y oblige. Il faut, pour faire ce passage, accepter de s’engager dans le tout de soi-même. Nous ne sommes pas simplement une intelligence déductive. C’est le tout de notre personne qui est invité à s’ouvrir au tout de la personne du Christ. C’est l’ouverture de mon cœur, qui est invité à accueillir cette réalité de la Résurrection du Seigneur dans la plénitude de sa signification et donc engageant radicalement le sens de ma propre existence. La réalité historique de Jésus de Nazareth est incontestable. Nul ne la met en doute sur cette terre. Le fait que les Apôtres aient donné leur vie, le témoignage des Ecritures, la manière dont le Christ accomplit toutes les promesses de l’Ecriture et de la première Alliance : tout conduit à accueillir cette réalité. Le risque serait d’en rester là, à plat. La merveille, c’est lorsque je me laisse personnellement toucher, lorsque je comprends que cette réalité de la Résurrection du Seigneur engage le tout de ma vie.

III – La Résurrection du Christ : fondement et nouveauté de mon histoire

La Résurrection du Christ : fondement et nouveauté de mon histoire.

a – la Résurrection du Christ change la perspective et l’axe de ma vie

La Résurrection du Christ : elle change la perspective et l’axe de ma vie. Je comprends que c’est une question de vie ou de mort, et que je suis invité, en mettant mes pas dans ceux du Seigneur, à marcher vers la lumière.

b – la Résurrection du Christ me libère de l’esclavage et des ténèbres

La Résurrection du Christ : elle me libère de l’esclavage et des ténèbres. Elle me donne de réaliser que le Christ est à jamais vainqueur du péché qui conduit à la mort, que la miséricorde du Père ne cesse de m’être offerte à la mesure dont je l’accueille et dont je me laisse transformer par elle.

c – la Résurrection du Christ reste à accomplir dans ma vie, pour ma part

La Résurrection du Christ : elle reste à accomplir dans ma vie, pour ma part. C’est tout le sens du baptême que nous avons reçu, du baptême qui a été donné hier soir, du baptême qui a marqué chacun de nos fronts. Le jour de notre baptême, tout nous a été donné ; le jour de notre baptême, une promesse extraordinaire nous a été faite. Et nous réalisons que c’est l’œuvre de chacune de nos vies de l’accomplir. C’est l’œuvre de chacune de nos vies d’accueillir le Seigneur, dans sa Parole, au milieu de mes frères. C’est l’œuvre de chacune de nos vies de sculpter notre cœur sur le cœur du Christ. Par notre baptême, nous avons été greffés à l’arbre de vie. Est-ce que le rameau que je suis est vivant ? Est-ce que la sève passe ? Est-ce que je porte des fleurs, des feuilles et des fruits ?

Dans la Résurrection du Christ, tout est donné, tout est offert, tout est accompli. Dans chacune de nos histoires, dans chacune de nos vies, dans chacune de nos existences, tout est à accueillir et tout est à vivre.

Demandons au Seigneur la grâce de ne pas vivre « à plat » la réalité de notre vie chrétienne, mais de la vivre dans sa pleine dimension, d’articuler dans nos vies l’espace, le temps et l’éternité, c’est-à-dire la foi, l’espérance et la charité, pour aujourd’hui et pour toujours.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Amen.