Saint Martin, patron du Service du commissariat des armées

Le 11 novembre est fêté saint Martin, patron du Service du commissariat des armées. Ce texte a été initialement publié le 25 août 1967.

Comment, s’écriront certains, un homme qui appartient à une unité combattante et termina sa vie comme Evêque peut-il être patron de l’intendance ? Bien sûr, répondront des « esprits forts », nous comprenons votre étonnement ; mais n’oubliez pas le « coup du manteau » ! le manteau coupé en deux par ce soldat saisi de pitié pour un malheureux… mais prenant bien soin de conserver pour lui le morceau avec le numéro de matricule… pour pouvoir l’échanger au magasin contre un manteau neuf. Les esprits forts peuvent ironiser. Il n’y aurait eu dans la vie de saint Martin que ce seul geste, il eût amplement mérité de devenir le patron de l’Intendance !

Regardons-y de près : Nous sommes au 4è siècle. Un jeune soldat, originaire de Savaria en Pannonie, aux confins de la Germanie, en bordure du Danube, est en garnison à Amiens. Un jour d’hiver rude, il croise un miséreux qui se traine lamentablement dans le froid. Apercevant le jeune cavalier, robuste, solidement campé sur son cheval, le pauvre, au nom du Christ, le supplie de lui venir en aide. Depuis de longs mois déjà, secrètement, Martin est en route vers le Christ. Il a découvert que Jésus était mort pour tous les hommes et attendait chaque homme derrière le visage de tout homme. Martin sait que toute marche vers Dieu est en même temps une marche vers l’homme. Il sait que ce qui compte finalement ce n’est pas ce que l’on dit, mais ce que l’on fait. Il sait que l’homme a besoin de nourriture et de vêtement. C’est pourquoi séance tenante, il agit. Il fait pour ce pauvre immédiatement, tout ce qu’il peut, pour le remettre debout, dans la neige et face au vent. La mission du soldat ne se résume pas à l’acte de combat. Elle est aussi orientée vers la promotion de l’homme qui a d’abord besoin qu’en toutes circonstances soient satisfaits certains besoins élémentaires – faute de quoi il risque de ne plus y avoir d’hommes ! C’est pourquoi saint Martin est très légitimement devenir le Patron de l’Intendance.

Continuons à scruter la vie de saint Martin : élu par le peuple de Tours évêque de la cité, il réfléchit à la meilleure manière d’évangéliser les campagnes de France. Si l’on veut faire monter le peuple des hommes vers Dieu, il faut l’arracher à la misère, à l’insécurité, à l’ignorance. C’est pourquoi Martin implante à travers le pays des monastères qui par leur ferveur, témoigneront de la réalité et de la grandeur de Dieu, mais qui seront aussi ces centres de refuges contre le malheur, ces havres où les hommes des campagnes trouveront protection contre les ennemis, aide pour lutter contre la faim et les catastrophes. Ces maisons religieuses seront les foyers d’où la vie se répandra sur les campagnes. L’influence des monastères implantés par saint Martin fut telle que près de quatre mille églises paroissiales de France portent son nom. Cette action pensée, organisée, visant les objectifs les plus hauts, mais par la médiation des réalités les plus humbles, les plus quotidiennes, voilà qui éclaire la mission de l’Intendance et justifie le choix de son patron.

Enfin, au terme de sa vie, saint Martin, devenu un vieil évêque, ployant sous le poids des ans, des soucis, des épreuves surmontées, aspire légitimement au repos. Il nous donnera une ultime leçon et une dernière justification du choix de son patronage par l’Intendance. A ce vieil homme qui leur a consacré sa vie, mais qui veut se retirer de la lutte, ses disciples disent : « Père, pourquoi nous abandonnes-tu ? à qui vas-tu laisser tes fils désolés ? car les loups rapaces envahiront ton troupeau ? » La tâche entreprise par Martin, évêque dans une lignée d’évêques n’est pas finie. Elle ne sera jamais finie, tant qu’il y aura un seul homme vivant. Et chaque jour, jusqu’à la fin, tout sera toujours à recommencer. Le vieil évêque, vivant la même générosité que celle qui avait ouvert le cœur du jeune soldat à l’appel du pauvre, se tourne vers Dieu pour lui dire : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne refuse pas le travail : que ta volonté soit faite ».

« Non recuso laborem » admirable devise que saint Martin laisse à ses fils de l’Intendance – car chaque jour, en tous lieux, en toutes circonstances, leur devoir exige que soient recommencés les mêmes gestes pour que l’homme soit nourri, pour qu’il soit vêtu, pour qu’il puisse accomplir sa vocation ou sa mission.