Padré Jean-Louis, souvenirs de mission

À la lecture de votre message me sollicitant ce témoignage, je me suis demandé qui pouvait encore s’intéresser à un vieux padré qui a disparu des radars depuis quelque temps ? En toute simplicité et sans prétention, je vais m’essayer à cet exercice.

À vrai dire, le jour de mon ordination sacerdotale en 1978, rien ne me prédestinait à devenir aumônier militaire, même si mon enfance fut marquée par la présence du Père Marcel J., aumônier des paras, qui nous faisait la joie de venir quelquefois en famille… et régulièrement à Lourdes où nous le retrouvions avec des jeunes paras qu’il nommait affectueusement ses « gus ». Quant à moi, devenu prêtre de la Société des Missions Africaines, j’étais bien plus préoccupé à répondre à un nouveau type de présence d’Église auprès des jeunes de la rue en Afrique, en Côte d’Ivoire, ayant fait mes premiers pas dans la rue avec le Père Guy G. à Paris. C’est seulement en 1984 que j’ai mis le pied à l’étrier.

L’opportunité voulut que mon prédécesseur, le Père Maurice M., alors curé de Port-Bouët et aumônier du 43e Bataillon d’Infanterie de Marine, m’interpella par cette boutade en me montrant le camp militaire : « Toi, qui t’occupes des voyous, tu devrais aller voir de l’autre côté, il y en a pas mal aussi ! ». Et c’est ainsi que je pris la suite durant huit ans auprès des Troupes de Marine (ex. Infanterie coloniale) jusqu’au jour où Mgr Michel DUBOST vint me débaucher en 1992 pour me demander de servir comme « BOÜT » embarqué dans la Royale, et ceci au grand dam de mes supérieurs. Je dois vous avouer que j’étais loin d’imaginer ce que qui m’attendait. J’ai beaucoup bourlingué sur avisos et chasseurs de mines en Méditerranée ; frégates, ravitailleurs, bâtiments de soutien en Océan Indien, sans oublier mes deux années sur le porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc ».

Dans cette mission, j’avais plusieurs préoccupations qui me tenaient à cœur : premièrement celle de rassembler une communauté, tout en étant à bord, l’aumônier de tous, du plus gradé au plus petit, en participant à la vie du bord (secrétariat, cuisine) et deuxièmement celle de valoriser les escales, pour donner une dimension missionnaire à l’occasion de la rencontre de ceux qui nous accueillaient à l’autre bout du monde. Ce qui nous valut des moments autrement plus riches et exceptionnels, pour ne citer que la rencontre avec Dom Helder Camara dans les favellas de Recife, l’audience privée avec saint Jean-Paul II à Rome, le pélé à Fatima, la marche en Terre Sainte, le pélé à Czestochowa, les JMJ 2000 à Rome à la voile avec une dizaine de bateaux de régate, les pélés à la sainte Beaume … sans oublier les missions « Shapguard » et « Licorne ».

Affecté comme régional à Toulon, ensuite Adjoint Marine auprès de l’évêque aux Armées à Paris, fonction de coordination, certes plus administrative et moins drôle, je me suis quand même attelé à initier des projets pastoraux sur les différents arsenaux puisque nous passions de « l’aumônier à l’aumônerie », faire Église avec nos Marins et leurs familles. C’est ainsi que Monseigneur Madec, évêque de Fréjus-Toulon, nous confia la paroisse saint Paul du Mourillon, quartier Marine à Toulon. Pourvue de locaux vétustes ramenés de Mers-El-Kébir, après l’étable de Bethléem, il y avait l’aumônerie Marine : j’ai interpellé l’État-Major pour nous affecter des locaux plus fonctionnels, ainsi que du personnel secrétariat performant auquel nous avions droit. C’est dans ce contexte que nous avons eu la grâce de préparer notre matelot Arnaud qui reçut le baptême des mains du Saint Père à l’occasion des JMJ à Longchamp en 1997.

A cette époque, avec le Père Jean R., j’avais intégré l’équipe nationale du PMI pour donner un coup de main à la préparation des offices, en particulier la célébration nationale d’ouverture, puis ensuite celle de l’ouverture internationale. Ce n’est qu’en 2003, que Monseigneur LE GAL me confia l’École militaire et la direction internationale du PMI. J’avais reçu comme consigne de rendre ce pèlerinage plus catéchétique. J’ai œuvré durant cinq années pour redonner à nos jeunes militaires leur place au PMI. Cet évènement unique au monde, requiert de celui qui en a la charge beaucoup d’humilité, d’écoute et d’attention. J’avais une excellente équipe compétente. Ce fut l’occasion de vivre l’Église militaire dans son universalité et ses diversités. J’ai eu à organiser le cinquantième PMI, un véritable défi. Il fallait rendre visibles les charismes d’un tel rassemblement sur cette terre des miracles qu’est Lourdes.

Mon cursus de padré s’est achevé en septembre 2020 après avoir servi pendant quatre ans les Forces Françaises en Côte d’Ivoire (FFCI) au titre de la Réserve citoyenne. Quand je regarde du bout de ma lorgnette toutes ces années passées au service de nos soldats, j’y ai rencontré des femmes et des hommes de foi, dotés d’une grande générosité qui n’hésitent pas à témoigner de ce qui fait leur force au quotidien dans leurs missions. Chaque visage rencontré ou moment vécu, que ce soit en métropole, sur les flots ou aux quatre coins du monde, est un trésor où l’on puise et que l’on garde jalousement pour y croire demain.