Saint Joseph, modèle de confiance mutuelle dans le couple

Par l’aumônier Eflamm Caouissin

Nous voyons la plupart du temps saint Joseph comme le patron des travailleurs, des charpentiers, des artisans ou encore de la bonne mort. Nous le voyons à raison comme un modèle d’humilité, de courage, d’obéissance, de discrétion et de confiance. Nous l’installons bien, par son statut de protecteur de la sainte Famille, comme le modèle du père et du travailleur. Nous nous tournons plus ou moins facilement vers lui pour nous aider dans nos projets et nos difficultés, et ceux qui le font trouvent en lui un réel et efficace soutien. Qui demande à son Fils par son intercession, reçoit.  Le renouveau de la dévotion des pères de familles à saint Joseph le montre : encore aujourd’hui, il « parle » à beaucoup. Si vous ne l’avez pas encore fait, essayez dans une situation difficile de la lui confier dans une intention de prière. Placez cette intention sous sa statue si vous en avez une chez vous. Si c’est pour notre bien, saint Joseph nous écoute et intercède pour nous !

Or, si saint Joseph peut être un modèle dans le couple et pour chaque père de famille, il peut certainement être, pour nos militaires engagés sur le terrain et souvent loin de leurs familles, un modèle de confiance totale. De confiance en Dieu et de confiance en son couple. Combien d’entre nous vivent des doutes et des peurs alors qu’ils sont loin des leurs, craintes mutuelles vécues à la fois par l’un et par l’autre en opération et/ou chez soi ?

Avec la lettre apostolique Patris corde (« avec un cœur de père »), le pape François a placé 2021 sous le patronage de saint Joseph. L’occasion nous est donnée de retrouver ce cœur de père via cet exemple qui nous est offert. Cependant, nous ne nous attarderons pas ici sur la figure paternelle de Joseph mais sur sa figure d’époux et sa relation à Marie.

Le taiseux des Évangiles

Saint Joseph, on en parle beaucoup, mais il est cependant le grand taiseux des Évangiles. Nous ne connaissons en effet pas grand-chose de sa vie, les évangiles canoniques restant laconiques à son sujet (il est seulement cité 35 fois dans le Nouveau Testament). Il existe un évangile apocryphe copte du milieu du IIIème siècle, intitulé « La vie de saint Joseph » qui  relate surtout sa mort et un témoignage de vie. Cette copie perdue  a été retrouvée dans une version arabe au XVIIIème siècle. Elle n’est pas canonique pour les catholiques mais l’est pour l’Église copte. Ce texte, le plus complet sur Joseph, rapporte que lorsqu’il apprit que Marie était enceinte, alors qu’ils n’étaient pas encore mariés, il prit peur. Il faut dire que Marie aurait encouru la lapidation si cela avait été rendu public. Mais lorsque Gabriel lui apparut en songe en lui disant de ne pas craindre d’admettre chez lui Marie, sa peur s’est effacée pour laisser place à la confiance mutuelle, miroir de sa propre confiance en Dieu. La vérité de sa relation à Marie puise ses racines dans la vérité de sa propre relation à Dieu, et c’est ainsi que rejaillit cette confiance en Dieu dans la perfection même du mariage, malgré les épreuves.

Un mariage véritable

« Joseph et Marie, la mère de Jésus, devaient se marier, dit l’Évangile (cf. Mt 1, 18-24) ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida donc de se séparer d’elle en secret. Mais l’ange du Seigneur lui apparaît en songe et lui dit : « Joseph n’aie pas peur de prendre chez toi Marie car l’enfant qu’elle porte vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve). »

Lorsqu’un travail a été fait, autant s’y reporter. Ainsi, saint Thomas d’Aquin nous éclaire déjà sur la perfection du mariage, en se posant la question d’un mariage véritable entre Marie et Joseph :

On appelle véritable le mariage ou union conjugale qui atteint sa perfection. Or il y a une double perfection pour un être : la première et la seconde. La première perfection d’un être consiste proprement dans sa forme, qui lui donne son espèce. La perfection seconde consiste dans l’opération par laquelle cet être atteint en quelque sorte sa fin. Or la forme du mariage consiste en l’union indissoluble des esprits, par laquelle chaque époux est tenu de garder une foi inviolable à son conjoint. Quant à la fin du mariage, elle est d’engendrer et d’élever des enfants. On les engendre par l’acte conjugal ; et ils sont élevés par les services que le père et la mère se rendent réciproquement pour nourrir leurs enfants.

Ainsi donc, en ce qui concerne la perfection première du mariage, il faut dire que l’union entre la Vierge Marie, mère de Dieu, et saint Joseph fut un mariage absolument véritable. Car l’un et l’autre ont consenti à l’union conjugale, mais non expressément à l’union charnelle, sauf sous condition : si Dieu le voulait. Aussi l’ange appelle-t-il Marie l’épouse de Joseph quand il dit à celui-ci (Mt 1,20) : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. » Ce que  saint Augustin explique ainsi : « Elle est appelée épouse en raison du premier engagement des fiançailles, elle qui n’avait connu et ne devait jamais connaître l’union charnelle. »

Mais quant à la perfection seconde, laquelle s’accomplit par l’acte du mariage, si l’on entend celui-ci de l’union charnelle qui engendre les enfants, ce mariage n’a pas été consommé. Ce qui fait dire à S. Ambroise : « Ne sois pas ému si l’Écriture l’appelle souvent épouse : ce n’est pas pour lui enlever sa virginité, mais pour attester le lien du mariage et la célébration des noces. » – Cependant ce mariage a eu aussi la perfection seconde quant à l’éducation de l’enfant, comme dit S. Augustin : « Tout le bien du mariage est accompli chez les parents du Christ : l’enfant, la fidélité et le sacrement. L’enfant, nous le reconnaissons en le Seigneur Jésus ; la fidélité en ce qu’il n’y eut aucun adultère ; le sacrement en ce qu’il n’y eut aucune séparation. Une seule chose est absente : l’union charnelle. » (IIIa Q.29 a.2)

Ne nous méprenons pas : le mariage entre Marie et Joseph est bien un véritable mariage. Certes un peu singulier, sortant de l’ordinaire, qui a une  vocation « extra-ordinaire », mais c’est un vrai mariage, fondé en Dieu, dont l’acteur principal est Dieu lui-même. Et dans ce mariage où la foi de Marie rencontre la foi de Joseph, où chacun est dans la confidence[1] de Dieu, le « fiat » de Marie et le « fiat » de Joseph se rejoignent. Ce que Joseph fit est pure « obéissance de la foi » (cf. Rm 1, 5; 16, 26; 2 Co 10, 5-6). L’exhortation Redemptoris Custos du Pape Saint Jean-Paul II le précise bien : « on peut dire que ce que fit Joseph l’unit d’une manière toute spéciale à la foi de Marie : il accepta comme une vérité venant de Dieu ce qu’elle avait déjà accepté lors de l’Annonciation. Il a fait confiance ».Cette confiance mène à la perfection du mariage.

Et en quoi cela nous parle-t-il aujourd’hui ?

Comment cette union engendrant le Salut du monde peut-elle nous parler aujourd’hui, pour nous, pour nos couples et pour nos familles qui, s’ils n’ont pas la même vocation « extra-ordinaire », n’en demeurent pas moins extraordinaires ?

En donnant Joseph pour époux à la Vierge, Dieu lui a donné « non seulement un compagnon de vie, un témoin de sa virginité, un gardien de son honneur, mais encore, en vertu même du pacte conjugal, un participant de sa sublime dignité » (LÉON XIII, Encycl. Quamquam pluries (15 août 1889): 1. c., p. 177-178). Il en est de même lorsque Dieu nous donne notre compagnon de vie. Ce pacte, nous le retrouvons dans la bénédiction nuptiale prononcée lors de la célébration du mariage, qui atteste que Dieu a sanctifié les noces par un si grand mystère qu’il en a fait un sacrement de l’alliance et de l’unité, invitant l’époux à donner sa confiance à la nouvelle mariée, à la respecter et à l’aimer comme le Christ a aimé l’Église, l’épouse étant quant à elle invitée à se conduire comme les saintes femmes dont l’Écriture fait l’éloge. Joseph est ce modèle « par lequel l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait ». (Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 5).

Le Pape François, dans sa lettre, dit que « le Malin nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif. Au contraire, l’Esprit la met en lumière avec tendresse. La tendresse est la meilleure manière de toucher ce qui est fragile en nous. Le fait de montrer du doigt et le jugement que nous utilisons à l’encontre des autres sont souvent un signe de l’incapacité à accueillir en nous notre propre faiblesse, notre propre fragilité. Seule la tendresse nous sauvera de l’œuvre de l’Accusateur (cf. Ap 12, 10). C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, en faisant une expérience de vérité et de tendresse ».

La distance, la difficulté, la routine, l’absence, bien des situations peuvent nous pousser vers un jugement négatif de l’autre et parfois par un laisser-aller, impactant la relation conjugale. Le Malin profite de ces failles pour tenter de briser l’unité. Or, si chaque jour et plus encore dans les situations difficiles, on laisse Dieu à la barre, si l’on se rappelle l’engagement du mariage – et l’exemple de St Joseph peut nous y aider – c’est notre vie complète qui se métamorphosera. On ne perçoit jamais en Joseph de la frustration, mais seulement de la confiance. Cette confiance en Dieu, cette confiance mutuelle sont primordiales.

  • Confiance en Dieu

Rappelons-nous : l’acteur principal dans le couple, c’est le Christ. Si le couple se repose dans cette compagnie du Christ et en fait la pierre angulaire de la famille, la solidité du couple en ressort décuplée. Il s’agit donc bien, comme Joseph, de fonder l’union sur le roc et non sur le sable. Une soumission à Dieu qui rend libre.

  • Confiance mutuelle

La confiance est donnée réciproquement l’un à l’autre. Et plus cette confiance est vécue mutuellement, plus l’union est forte. Joseph n’a pas posé de question à Marie. Il est resté dans le silence. Il a fait confiance à Marie et Marie lui a fait confiance.

 

Quelques pistes pour cultiver cette confiance mutuelle :

« Silence rime avec confiance »

Si parler est essentiel parfois, s’il n’y a pas de faits qui poussent à se poser des questions, on ne dit rien car cela cultive le manque de confiance. Par exemple, lorsqu’on est en Opex, on ne pose pas de questions qui sèment le doute, car cela fragilise la confiance chez l’autre. On peut parfois être responsable d’une rupture de confiance simplement parce qu’on aurait manqué de confiance en l’autre.

Partager sa vie

Il est parfois difficile de partager avec notre conjoint(e) ce que l’on vit. Pourtant, partager ce que l’on fait, sans pour autant donner des détails impossibles ou inopportuns peut cultiver la confiance mutuelle.

Prier ensemble malgré l’éloignement

Échanger régulièrement via Smartphone interposé n’est pas forcément signe de proximité. Tout dépend de la manière de l’aborder. Par contre, remettre Jésus au centre de nos vies (et la présence de nos Padres en OPEX / OPINT peut nous y aider) donne cette proximité spirituelle qui rend libre et confiant. Chacun, éloigné de l’autre, peut avoir chaque jour une prière au Christ Jésus par l’intercession de saint Joseph, une prière enracinée dans le Christ dans laquelle on renouvelle notre engagement mutuel, notre fiat et dans lequel Dieu lui-même est engagé.

 

Trois prières :  

Salut, gardien du Rédempteur,
époux de la Vierge Marie.
À toi Dieu a confié son Fils ;
en toi Marie a remis sa confiance ;
avec toi le Christ est devenu homme.

O bienheureux Joseph,
montre-toi aussi un père pour nous,
et conduis-nous sur le chemin de la vie.
Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage,
et défends-nous de tout mal.

 O bienheureux Joseph,

Modèle de confiance et de sainteté,

Sois pour nous chaque jour

notre exemple et notre soutien.

Amen.

(Prière du Pape François à la fin de sa lettre apostolique « Patris corde », à laquelle l’auteur de cet article a ajouté les phrases en italique)

« Préserve-nous, ő Père très aimant, de toute souillure d’erreur et de corruption…; sois-nous propice et assiste-nous du haut du ciel, dans le combat que nous livrons à la puissance des ténèbres…; et de même que tu as arraché autrefois l’Enfant Jésus au péril de la mort, défends aujourd’hui la sainte Église de Dieu des embûches de l’ennemi et de toute adversité »

(Léon XIII – « Prière à saint Joseph » qui suit le texte de l’encyclique « Quamquam pluries »)

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En toi, j’ai mis ma confiance,
Ô Dieu très saint,
Toi seul es mon espérance
Et mon soutien ;

C’est pourquoi je ne crains rien,
J’ai foi en toi, ô Dieu très saint.
C’est pourquoi je ne crains rien,
J’ai foi en toi, ô Dieu très saint.

[1] Confidence et confiance ont la même étymologie.