La vertu de tempérance

Si nous regardons dans le dictionnaire de l’Académie française, voici ce que nous pouvons trouver :

Vertu morale qui règle, qui modère les passions et les désirs, particulièrement les désirs sensuels.[…] Il signifie aussi simplement Sobriété, usage modéré du boire et du manger.

Ce qui, bien sûr, est très réducteur lorsque l’on parle d’une vertu. Une vertu n’est certainement pas quelque chose d’extérieur à l’homme comme le laisse supposer le dictionnaire en nous laissant entendre qu’il ne s’agit que de notre rapport avec ce qui vient de l’extérieur comme de la nourriture, de la boisson, des plaisirs… Bien au contraire, une vertu concerne l’homme au plus intime de lui-même, dans ce qui fait qu’il est homme et cela dans tous les aspects les plus concrets de sa vie où vont s’exprimer ses besoins, ses désirs, ses passions.

La vertu de tempérance permet à chaque homme que son « moi intérieur » soit maître de son « moi extérieur ». Cela ne diminue aucunement la valeur de notre « moi extérieur » comme une sorte de négation du corps, mais c’est lui redonner toute sa valeur car notre corps et nos sens retrouvent, avec la vertu de tempérance, leur véritable place dans ce qui fait notre être d’homme. Cette vertu est ainsi indispensable pour que l’homme devienne pleinement homme. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder ce qui se passe quand un homme se laisse aller à ses passions : il devient esclave de sa passion, une victime qui se voit contrainte de renoncer à exercer sa liberté comme on peut le voir avec le tabac, l’alcool, les drogues, le sexe… En d’autres termes, être véritablement homme, cela signifie de respecter sa propre dignité et donc de se laisser guider par la vertu de tempérance.

Mais cela ne signifie en aucun cas de renoncer à ses désirs, de devenir timoré en tout, de devenir une sorte de puritain qui renoncerait à tout pour être certain de ne rien commettre de mal et par là de devenir indifférent au monde qui nous entoure : d’avoir un cœur de pierre. Au contraire, l’enjeu est d’avoir un véritable cœur de chair, de reconsidérer la richesse de nos passions, de nos affections, de nos émotions qui doivent être maîtrisées pour être en tout temps et en tout lieu adaptées aux situations et aux personnes que nous rencontrons. Mais l’homme ne peut y parvenir qu’en faisant un travail sur lui-même, en étant vigilant à chaque instant. Il pourra alors devenir véritablement lui-même par la vertu de tempérance, c’est à dire révéler au monde la véritable beauté, la véritable dignité de ce qu’il est : un Homme.

C’est un vrai chemin de sainteté qui nous proposé avec cette vertu, qui ne peut évidemment se vivre indépendamment des autres vertus et en particulier les vertus théologales que sont l’Espérance, la Foi et la Charité. Mais ce chemin, nous ne pouvons le faire seul. Si nous pensons y parvenir par nos propres forces, nous chuterons nécessairement et là, c’est le découragement qui nous guette. Nous risquons alors d’aller jusqu’à abandonner tout ce qui nous faisait avancer depuis le jour de notre conversion ou, dans le meilleur des cas, d’avoir une vie spirituelle médiocre : comme se contenter d’aller à la messe sans que cela n’ait de liens avec tous les autres aspects de sa vie par exemple.

Il nous faut au contraire assumer cette forme d’impuissance en demandant à Dieu lui-même de venir la surmonter pour nous : c’est uniquement dans cet acte d’humilité que chacune de nos actions remises dans les mains du Christ, deviendront alors de véritables offrandes parfaites, des actes d’amour qui changeront la face du monde comme le disait sainte Catherine de Sienne : « deviens ce que tu es, et tu mettras le feu au monde ! ».

Alors ne craignons pas d’être habités par un désir infini, à l’image du Christ, afin d’être conduits, par la vertu de tempérance, vers notre vocation profonde qui est d’être enfant de Dieu.

 

Maxime Corpechot, aumônier militaire